Une démarche de santé publique à l'égard de la légalisation, de la réglementation et de la restriction de l'accès au cannabis
La consommation du cannabis est illégale au Canada et pourtant 12 % de la population générale, 21 % des jeunes âgés de 15 à 19 ans et 30 % des jeunes adultes de 20 à 24 ans ont signalé en avoir consommé au cours de la dernière année. On prétend souvent qu’il a peu d’effet sur la personne ou la société, mais sa consommation est associée à des répercussions négatives pour la santé. Par ailleurs, des accusations criminelles liées à sa consommation pourraient avoir des conséquences sociales et économiques.
L’analyse de cette consommation est par contre limitée puisque les données disponibles concernant les effets du cannabis sur la personne ou la société découlent d’études visant des populations cibles particulières, des échantillons limités et des échéanciers restreints, ce qui rend leur interprétation difficile. Le projet de loi C-45, à savoir la Loi sur le cannabis, légalise et réglemente l’accès au cannabis au Canada. Le projet de loi et son règlement visent à fournir un cadre en matière de santé publique qui pourrait réduire la possibilité de préjudices pour la santé et les effets potentiels résultant de la criminalisation. Le projet de loi C-46 propose des modifications aux lois en matière de conduite avec facultés affaiblies en vue de punir plus sévèrement ceux qui conduisent sous l’effet d’une drogue, notamment du cannabis. Par ailleurs, le budget fédéral de 2017 a alloué des fonds pour soutenir des programmes d’éducation publique et des activités de surveillance liées à la consommation de cannabis.
L’Association canadienne de santé publique félicite le gouvernement fédéral d’avoir pris cette importante mesure consistant à mettre en place une démarche en matière de santé publique pour aborder la question de la consommation de cannabis au Canada. L’Association reconnaît également que d’autres démarches sont requises pour établir et mettre en oeuvre une perspective de santé publique.
Recommandations
L’ACSP demande aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux et municipaux, et aux organisations dirigeantes des peuples autochtones de fournir les outils et les démarches nécessaires pour satisfaire les objectifs de la législation et d’élaborer et de mettre en œuvre des démarches coordonnées, pancanadiennes qui portent sur ce qui suit :
Promotion de la santé – pour soutenir des comportements plus sains et sécuritaires
- Élaborer et diffuser des renseignements clairs et cohérents au sujet des risques et des avantages potentiels associés à la consommation du cannabis, tout en reconnaissant que la démarche privilégiée serait de ne pas consommer le produit ou de retarder le début de l’usage dans la mesure du possible
- Élaborer et mettre en œuvre des politiques et programmes qui renforcent la capacité communautaire et les compétences individuelles favorisant des comportements sains
Protection de la santé – pour s’assurer que des produits de cannabis de qualité élevée, sans sous-produits nocifs, sont disponibles à des fins de consommation
- Élaborer et mettre en œuvre des règlements fédéraux concernant la culture, la récolte, la transformation et l’emballage du cannabis et des produits contenant du cannabis pour la vente au détail
- Élaborer et mettre en œuvre un modèle de vente au détail qui élargit le système actuellement en place pour ce qui est du régime de réglementation du cannabis à des fins médicales (p. ex. commerce électronique). Si des détaillants qui ont pignon sur rue sont approuvés par une province ou un territoire, de telles opérations devraient être restreintes par des monopoles gouvernementaux sans but lucratif ou des organismes non gouvernementaux sans but lucratif. En aucun cas, la co-implantation des ventes au détail ne devrait avoir lieu avec la vente d’autres drogues contrôlées comme l’alcool, le tabac ou les produits pharmaceutiques
- Vendre tous les produits contenant du cannabis dans des emballages refermables à l’épreuve des enfants
- Adapter les règlements municipaux pertinents contre le tabagisme dans les lieux publics et les politiques sur la consommation de tabac et d’alcool en milieu de travail pour qu’ils incluent le cannabis
Prévention et réduction des méfaits – pour prévenir ou retarder le début de la consommation et pour réduire la possibilité de méfaits associés à la consommation, de consommation problématique ou de surdose
- Établir des taux d’imposition pour les produits de cannabis en fonction de la concentration en THC (p. ex. taux d’imposition plus élevés pour les produits ayant des concentrations en THC plus élevées)
- Établir des limites sur la publicité des produits
- Établir un âge minimum commun pour la consommation partout au Canada
- Permettre des démarches de rechange pour la consommation de produits pour réduire le recours à l’inhalation de la fumée du cannabis
- Clarifier les effets de la fumée secondaire du cannabis
- Clarifier les enjeux uniques liés à la consommation de produits contenant du cannabis comestible
Évaluation de la santé de la population – pour comprendre l’étendue de la consommation du cannabis et mesurer l’impact potentiel des interventions, des politiques et des programmes sur la population
- Surveiller les statistiques telles que l’usage quotidien autodéclaré, l’âge de l’initiation, les types et la puissance des produits consommés, les raisons de la consommation, le genre et le statut socioéconomique
- Renforcer la surveillance de la santé individuelle – pour comprendre l’impact sur la société et évaluer les effets de la consommation de cannabis
- Surveiller les statistiques comme les admissions à l’urgence en raison d’une surdose de cannabis et de blessures encourues sous l’influence du cannabis
- Surveiller les troubles liés à la consommation
- Surveiller les effets de l’inhalation du cannabis et d’autres moyens de consommation sur la santé
Services appuyés par des preuves – pour aider les personnes qui sont à risque de développer ou qui ont développé des problèmes liés au cannabis (ou à d’autres substances psychotropes)
- Mettre au point des outils pour aider les médecins et les professionnels de la santé et des services sociaux à repérer les personnes à risque de développer un trouble lié à l’usage du cannabis
- Au besoin, adapter les programmes de traitement associés à l’usage de drogues en vue d’inclure le cannabis.
Ces démarches, à tous les niveaux du gouvernement, doivent être fondées sur les meilleurs renseignements possibles de ce qui fonctionne, ce qui devrait fonctionner et ce qui ne fonctionne pas. Ainsi, l’ACSP demande également aux gouvernements du Canada d’appuyer, d’établir et de mettre en œuvre des programmes de recherche, notamment de recherche pangouvernementale, qui portent sur tous les aspects de la consommation de cannabis, et dont les priorités sont établies avec l’aide des Instituts de recherche en santé du Canada. Par ailleurs, il est essentiel de soutenir ces initiatives pour établir un plan d’évaluation qui permettra d’analyser en temps opportun ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas afin qu’on puisse apporter des rectificatifs.
Par ailleurs, l’ACSP demande à tous les gouvernements provinciaux et territoriaux et aux organisations dirigeantes des peuples autochtones de collaborer étroitement à l’élaboration de lois, règlements et lignes directrices associés au cannabis en vue de minimiser les variations de démarches d’une administration à l’autre.
Enfin, l’ACSP demande à la ministre de la Justice et procureur général du Canada d’instaurer un moratoire sur la poursuite criminelle découlant de la possession de petites quantités de cannabis à usage personnel en tant que moyen pour réduire la stigmatisation associée aux procédures devant un tribunal et la possibilité d’un dossier criminel mettant en cause un produit qui sera bientôt légalisé. Un autre point à tenir compte une fois la législation mise en œuvre est l’effet potentiel de la criminalisation des jeunes qui fournissent de petites quantités de cannabis à d’autres jeunes pour usage personnel. Il conviendrait de s’assurer d’appliquer les règles proposées concernant le trafic en vue de tenir compte de la gravité du crime.
Contexte
Définition d’une démarche de santé publique
La santé publique est une démarche de maintien et d’amélioration de la santé des populations fondée sur les principes de la justice sociale, des droits de la personne et de l’équité, sur des politiques et des pratiques éclairées par des données probantes et sur la prise en compte des déterminants de la santé sous-jacents. Une telle démarche met la promotion de la santé (fondée sur la Charte d’Ottawa pour la promotion de la santé), la protection de la santé, la surveillance de la santé des populations et la prévention des décès, des maladies, des blessures et des invalidités au cœur de toutes les initiatives connexes. Elle fonde également ces initiatives sur des données probantes concernant ce qui fonctionne ou ce qui promet de fonctionner. C’est une démarche structurée, globale et multisectorielle qui englobe des initiatives pragmatiques et prend en considération l’efficience et la durabilité.
La Charte canadienne des droits et des libertés et plusieurs conventions des Nations Unies offrent des assises légales et sociales sur lesquelles édifier une démarche de santé publique. Une telle démarche consiste à cerner les déterminants de la santé le long du parcours de la vie, puis à en prendre acte. Il faut donc aborder les déterminants physiques, biologiques, psychologiques et sociaux, ainsi que les iniquités sociales et sanitaires.
Une démarche de santé publique reconnaît que l’usage problématique de substances est souvent le symptôme de problèmes ou d’iniquités sur le plan psychologique, social ou de la santé. Ainsi, elle inclut le point de vue des personnes qui consomment des substances psychotropes illicites ou qui sont touchées par l’usage problématique de substances. Une notion vitale, selon cette démarche, est que les intervenants qui travaillent auprès des personnes concernées, ou sur des enjeux liés aux substances psychotropes illicites, aient fait les études et possèdent la formation et les compétences nécessaires pour comprendre les besoins des utilisateurs de ces substances et de leurs familles, et pour répondre à ces besoins. Cette base de connaissances inclut la compréhension du lien entre la consommation de substances et les troubles physiques et mentaux.
Une démarche de santé publique assure aussi l’application d’un continuum d’interventions, de politiques et de programmes soucieux des avantages éventuels et des préjudices des substances, ainsi que des effets non intentionnels des politiques et des lois mises en œuvre pour gérer ces avantages et préjudices. L’objectif d’une démarche de santé publique est de promouvoir la santé et le mieux-être de tous les membres d’une population et de réduire les iniquités au sein de la population, tout en veillant à ce que les préjudices associés aux interventions et aux lois ne soient pas disproportionnés par rapport aux méfaits des substances mêmes.
Une description plus détaillée d’une démarche de santé publique est présentée dans le document de travail de l’ACSP intitulé La santé publique – un cadre conceptuel, tandis que notre document de travail sur les substances psychotropes illégales aborde cette question du point de vue de la santé publique.
Historique
L’ACSP a présenté une description des enjeux qui devraient être abordés au sujet de toute législation ou réglementation du cannabis. Un grand nombre des dispositions contenues dans l’avant-projet de la loi vont de pair avec nos propositions; cependant, il existe des sujets qu’il faudrait approfondir et qui sont abordés ci-dessous.
Notons également que les États américains qui ont légalisé le cannabis ont trouvé plus facile de commencer par une réglementation serrée et de l’assouplir plus tard, le cas échéant. Il convient donc d’examiner soigneusement la réglementation des produits, tout particulièrement les produits de cannabis qui se fument et qui se mangent.
Autorités fédérales, provinciales, territoriales, municipales et autochtones
L’ACSP reconnaît les liens complexes qui existent entre les autorités fédérales, provinciales, municipales et autochtones en ce qui concerne la réglementation et la vente d’alcool et de tabac, ainsi que les précédents et les pouvoirs constitutionnels qui appuient ces régimes. Nous savons aussi que ces pouvoirs doivent être respectés à la structuration de la loi et du règlement sur le cannabis. Cette initiative est toutefois une rare occasion d’élaborer un système de contrôle qui respecte les droits fédéraux-provinciaux-territoriaux (FPT) et les droits de gouvernance autochtones tout en offrant une réglementation pancanadienne systématique du cannabis. L’ACSP croit qu’il faudrait élaborer un sommaire FPT et autochtone des préoccupations et des démarches de gestion qui s’y rattachent; un tel cadre s’appliquerait dans les cadres juridiques des divers ordres de gouvernement. L’avant-projet de cette loi fédérale délimite les domaines d’autorité fédérale et provinciale/territoriale; cependant, il reste des efforts à accomplir en vue d’élaborer des lois, règlements et lignes directrices qui minimiseraient la diversité des démarches entre provinces et gouvernances autochtones.
Réduction des préjudices de la consommation
Restrictions sur la publicité et le marketing afin de réduire la visibilité et l’attrait des produits
Selon le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances, les facteurs qui motivent la consommation de cannabis chez les jeunes sont : l’excitation, la pression sociale, l’adaptation, la conformité et l’ouverture d’esprit. En outre, les jeunes reçoivent en général des messages contradictoires de leurs pairs, des médias, des enseignants et des parents au sujet des préjudices possibles de la consommation de ces produits. Par conséquent, ils considèrent généralement la consommation de cannabis comme étant relativement inoffensive. Ce point de vue doit être pris en compte lorsqu’on établira la législation et la réglementation connexes. De même, il faut reconnaître qu’il y a une interdiction presque complète de la publicité du tabac et des restrictions sur la publicité des produits alcoolisés. Ces démarches devraient servir à titre d’exemple pour tout mécanisme de contrôle établi pour la commercialisation et la publicité des produits de cannabis.
Taxation et établissement du prix
Il convient d’examiner soigneusement la taxation et l’établissement du prix. La difficulté sera de déterminer à la fois l’élasticité par rapport au prix de ces produits nouvellement contrôlés et d’établir un niveau de prix qui tient compte du coût du produit et des marges bénéficiaires et un taux de taxation qui exerce un effet dissuasif sur la vente, particulièrement pour les jeunes, tout en limitant l’éventualité d’entretenir un marché illégal. On trouve des exemples de ces considérations d’établissement de prix pour les ventes d’alcool et de tabac. Dans les deux cas, la taxation sert à décourager les ventes, mais on peut soutenir que les hausses supplémentaires des taux de taxation de l’alcool et du tabac ne sont plus efficaces pour réduire les ventes. Soulignons également qu’aux États-Unis, le taux de taxation actuel de l’État de Washington sur les produits du cannabis imposé est de 44 %, et que la ville de Denver, au Colorado, impose une taxe de 29 %.
Dernier point à considérer : divers produits avec divers niveaux de tétrahydrocannabinol (THC) et présentant différents niveaux de risque pourraient se développer sur le marché du cannabis. Il faudrait donc songer à établir le taux de taxation de ces produits en fonction de leur concentration en THC.
Investissements dans la promotion de la santé, la réduction des méfaits et les services de traitement
La Déclaration de Vienne revendique la « réorientation des politiques liées aux drogues vers des approches fondées sur des preuves qui protègent et respectent les droits humains » et « l’adoption et l’évaluation d’interventions scientifiques de prévention, de réglementation, de traitement et de réduction des préjudices. » Cette démarche est décrite plus en détail dans le document de travail de l’ACSP concernant les substances psychotropes illégales et fournit les exigences en matière de programmes concernant ce qui suit :
- La sensibilisation, l’information et les connaissances;
- La prévention primaire, particulièrement pour les enfants et les jeunes;
- L’habilitation, la réduction des méfaits et le traitement;
- La réduction de la stigmatisation et de la discrimination;
- L’évaluation.
Un pas vers l’avant a été franchi pour la mise en œuvre de cette démarche lorsqu’une loi a reçu la sanction royale pour combattre la crise d’opioïde. Toutefois, d’autres mesures sont requises pour soutenir la loi et ses buts en matière de santé publique. Il est essentiel que cette démarche soit établie, financée adéquatement et mise en œuvre avec le soutien de tous les niveaux de gouvernement et les personnes qui consomment du cannabis.
Restrictions sur la concentration en THC
Il existe une variété de produits ayant divers niveaux de THC qui peuvent être vendus. On remarque également que la concentration en THC est en hausse depuis les 10 dernières années : elle a grimpé de 3 % à 16 % ou plus. Il faudrait imposer des contraintes sur les concentrations en THC pour tous les produits de cannabis. Pour le produit séché, une concentration maximale en THC de 15 % devrait être établie. Ce niveau est fondé sur les niveaux en THC dans les produits actuels, et les niveaux établis par le Colorado et Washington.
Établissement d’un système de production sûr et responsable
Emballage et étiquetage des produits
Les gouvernements devraient prendre des mesures pour informer les citoyens des préjudices possibles associés à la consommation de cannabis et des produits contenant du cannabis, ainsi que des pratiques de consommation sans danger. Ces mesures pourraient inclure la prohibition de la publicité générale de produits contenant du cannabis (comme il a été noté auparavant), comme pour les produits de tabac, ainsi que les exigences proposées de banalisation des emballages. Il faudrait imposer des contraintes sur l’utilisation de sigles et de graphismes d’entreprises sur les emballages et dans les supports publicitaires. Il faudrait également envisager d’imposer des exigences d’étiquetage, y compris des mises en garde sanitaires et des contre-indications éclairées par les données probantes, comme pour la bière, le vin et les spiritueux (si les données probantes confirment ces désignations), et de l’information sur l’accès aux services de soutien.
Conception d’un système de distribution approprié
Le modèle actuel de vente au détail du cannabis médical au Canada est fondé sur le commerce électronique, bien que l’on ait établi (illégalement) des dispensaires ayant pignon sur rue dans certaines provinces canadiennes. Le modèle des dispensaires ressemble au modèle de vente qui prévaut aux États-Unis. Par exemple, dans l’État de Washington, les détaillants ont besoin d’un permis et ne peuvent vendre que des produits du cannabis. Le modèle du commerce électronique a de nombreux avantages : il permet d’offrir une information cohérente et de haute qualité sur les produits, et le soutien par « clavardage » peut rehausser l’information disponible en ligne. Il élimine aussi la probabilité que des boutiques s’installent près des endroits où les enfants se rassemblent et fait taire les préoccupations au sujet des enseignes et de la publicité de ces boutiques.
L’ACSP reconnaît la valeur du système actuel de production, de transformation et de distribution de cannabis médical. La hausse prévue de la demande lorsqu’on aura légalisé la vente au détail pourrait toutefois dépasser la capacité du système de commerce électronique et du système postal. En outre, l’exploitation d’un réseau de commerces de détail ayant pignon sur rue pourrait mener à une plus grande variété de produits, et les acheteurs pourraient souhaiter avoir la liberté de voir et d’acheter ces produits en personne.
On peut établir un parallèle entre les commissions d’alcool à accès contrôlé qui existaient jusqu’au milieu des années 1970 au Canada et les magasins d’alcools actuels. Les problèmes de santé publique associés à l’élargissement de la vente de boissons alcoolisées sont répertoriés dans l’énoncé de position 2011; on a entrepris des travaux pour atténuer certains des problèmes au moyen de la Stratégie nationale sur l’alcool (du Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances). Pour compliquer la situation, les provinces et les territoires ont actuellement la responsabilité d’établir les moyens par lesquels on vend l’alcool et le tabac à l’intérieur de leurs frontières.
Maximiser la participation au marché grâce à des marchés libres bien réglementés pourrait être un outil de plus pour atteindre l’objectif d’éliminer le commerce illicite du cannabis; c’est une démarche qui s’est avérée fructueuse pour la vente d’alcool. Toutefois, la difficulté d’établir une démarche de libre marché a été expliquée ailleurs, y compris les contraintes d’une démarche axée sur les ventes privées. Une méthode efficace pourrait donc inclure l’établissement de centres de commerce de détail gouvernementaux pour le cannabis, avec du personnel formé pouvant faire respecter les contraintes à la vente du produit tout en offrant de l’information sur le soutien disponible6. Cependant, vu les préoccupations que suscite la consommation conjointe du cannabis et l’alcool, la vente de ces deux produits dans le même établissement devrait être prohibée.
Application de mesures de sécurité publique et de protection de la population
Gestion du marché illicite
La légalisation du cannabis pourrait réduire considérablement les activités illégales. Jusqu’à maintenant, cependant, on manque de preuves concluantes à cet égard dans les États de Washington et de Colorado. Cette situation s’explique probablement par l’accessibilité et la sélection des produits légaux et l’absence de régimes d’application stricts qui ciblent le marché illicite. Le gouvernement du Canada pourrait devoir aborder les enjeux liés aux produits et à l’accès tout en appuyant systématiquement des lois renouvelées et plus strictes afin d’appréhender ceux qui opèrent hors des limites du nouveau système légal.
Consommation dans des lieux publics
Il devrait y avoir des restrictions sur la consommation de cannabis semblables à celles établies pour la consommation des produits du tabac et de l’alcool en public et en milieu de travail.
Accès au cannabis à des fins médicales
Comme il a été mentionné auparavant, le Règlement sur la marihuana à des fins médicales du Canada autorise la consommation de cannabis à des fins médicales en réglementant strictement l’homologation, la culture et la distribution du produit. Ce règlement n’est pas alourdi par des restrictions sur la puissance du cannabis ou sur l’âge de consommation. Cependant, le Collège des médecins de famille de l’Ontario ne recommande pas la prescription de cannabis séché dont la concentration de THC dépasse 9 % ni la prescription de cannabis aux patients de moins de 25 ans, sauf si toutes les autres options thérapeutiques classiques ont échoué. De plus, le règlement n’autorise pas le cannabis médical qui se mange, ni les autres formes (autre que l’huile de cannabis) dont l’efficacité potentielle à des fins thérapeutiques n’a pas été démontrée dans des situations particulières.
Soulignons également que selon les résultats de la tournée d’étude du CCLAT au Colorado, un état qui soutient un système de réglementation pour le cannabis de vente au détail et un autre pour le cannabis médical, le maintien de deux systèmes est source de confusion et de chevauchements.
L’ACSP reconnaît par ailleurs que certains patients qui n’ont pas l’âge légal pour acheter du cannabis peuvent avoir besoin d’accéder au produit, et que d’autres patients peuvent avoir besoin de concentrations plus élevées en THC pour leurs traitements que ce à quoi ils ont accès par le système de vente au détail. Pour ces patients, des exceptions au nouveau cadre réglementaire pourraient être de mise. Les patients plus jeunes que l’âge légal désigné dans leur juridiction auraient besoin d’un document signé par leur médecin de famille, qui fonctionnerait comme une ordonnance, pour avoir accès à certains produits contenant du cannabis, mais les médecins devraient prendre garde de recommander les produits les moins puissants qui répondent aux besoins de leurs patients. De même, l’ACSP reconnaît que certains patients pourraient avoir besoin de formes de cannabis plus puissantes que celles qui seraient vendues légalement. La distribution de ces produits spécialisés devrait être limitée aux personnes qui en ont médicalement besoin, et ils devraient être fabriqués par des fabricants autorisés.
* L’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés prévoit « …le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale » et a servi d’argumentation juridique dans la décision de la Cour suprême au sujet d’Insite, le centre d’injection supervisée de Vancouver, car selon la loi canadienne, la toxicomanie est considérée comme une maladie.
† L’ACSP reconnaît les obligations du Canada en vertu des accords de l’ONU de restreindre la vente et la consommation des drogues illicites; nous croyons cependant que nos responsabilités en vertu des accords suivants de l’ONU sont tout aussi importantes : le Pacte international relatif aux droits civils et politiques; le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels; la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants; la Déclaration sur les droits des peuples autochtones et la Convention internationale pour la protection et la promotion des droits et de la dignité des personnes handicapées. Ces derniers engagements devraient servir de base au régime de réglementation proposé.