Une démarche de santé publique à l’égard des dispositifs de vapotage contenant de la nicotine
Un dispositif de vapotage (vapoteuse ou cigarette électronique) chauffe un liquide composé d’une solution porteuse et d’une combinaison d’arômes et/ou de nicotine. La vapeur qui en résulte est inhalée. Il y a deux catégories de dispositifs de vapotage : ceux qui contiennent de la nicotine et ceux qui n’en contiennent pas. Au Canada, environ 9 % des Canadiens de 15 ans et plus et 20 % des jeunes des groupes d’âge de 15 à 19 et de 20 à 24 ans, respectivement, ont essayé les dispositifs de vapotage1. De ceux qui les ont essayés, 55 % disent que le dernier dispositif qu’ils ont utilisé ne contenait pas de nicotine, 26 % disent avoir utilisé un dispositif contenant de la nicotine, et 19 % sont incertains.
Les dispositifs de vapotage ont fait leur entrée sur le marché nord-américain en 20072; en 2009, Santé Canada a publié un avis contre les produits contenant de la nicotine, faute de preuves suffisantes de leur innocuité3. L’Association canadienne de santé publique (ACSP) a appuyé cette interdiction. L’application de l’avis est limitée : on trouve toujours des produits contenant de la nicotine, par exemple dans le commerce électronique et dans les boutiques qui vendent ces produits illégalement. Les ventes de produits ne contenant pas de nicotine n’ont pas été touchées par l’avis. En 2016, le gouvernement fédéral a déposé le projet de loi S-5*, Loi modifiant la Loi sur le tabac, la Loi sur la santé des non-fumeurs et d’autres lois en conséquence. Son but est d’exiger un conditionnement neutre des produits du tabac et de fournir le cadre juridique nécessaire pour permettre la vente des dispositifs de vapotage contenant de la nicotine au Canada.
L’ACSP a étroitement surveillé les dispositifs de vapotage de 2013 jusqu’à l’automne 2016, après quoi elle a reconnu que la maturation de l’industrie et la disponibilité d’informations sur la salubrité et l’innocuité des produits contenant de la nicotine, combinées à la présentation du projet de loi S-5, méritaient un énoncé dans une perspective de santé publique. L’Association a donc formé un groupe de travail pour examiner les preuves disponibles et formuler des recommandations sur la vente des dispositifs de vapotage contenant de la nicotine au Canada.
RECOMMANDATIONS
L’ACSP invite le gouvernement fédéral à :
Approuver et mettre en œuvre le projet de loi S-5 et élaborer un règlement autorisant la vente des dispositifs de vapotage contenant de la nicotine au Canada s’ils respectent les dispositions de salubrité et d’innocuité :
- Établir l’âge légal pour acheter des dispositifs de vapotage contenant de la nicotine en fonction de l’âge légal pour acheter des produits du tabac;
- Appliquer des restrictions, selon leur toxicité, aux arômes et au liquide porteur utilisés dans les dispositifs de vapotage;
- Limiter l’utilisation des arômes pouvant être attrayants pour les enfants et les jeunes;
- Élaborer et mettre en œuvre des règles et des lignes directrices qui répondent aux préoccupations en matière de sécurité associées à la fabrication de ces produits;
- Soumettre ces produits aux dispositions de la Loi sur les aliments et drogues si le fabricant souhaite faire des allégations concernant leur utilisation comme dispositifs de désaccoutumance au tabac.
Soutenir la recherche sur les dispositifs de vapotage :
- Étudier leur effet sur la santé, surtout en ce qui concerne les émissions de particules fines et de substances cancérogènes, notamment le 1,3-butadiène;
- Mener des études comparant la toxicité des dispositifs de vapotage contenant de la nicotine et celle des produits du tabac;
- Examiner l’usage des dispositifs de vapotage contenant de la nicotine en tant que dispositifs de désaccoutumance au tabac;
- Examiner les influences sociétales qui poussent les jeunes et les adolescents à commencer à utiliser les produits contenant de la nicotine, et élaborer des programmes pour contrer ces influences.
Limiter la vente et la publicité des dispositifs de vapotage contenant de la nicotine :
- En interdisant leur utilisation, y compris leur essai en magasin, dans tous les lieux publics clos, les lieux de travail et d’autres espaces extérieurs précisés;
- En interdisant la vente des dispositifs de vapotage dans tous les endroits où la vente des produits du tabac est également interdite;
- En réglementant la présentation et la promotion des dispositifs de vapotage sur les lieux de vente.
L’ACSP appelle les gouvernements provinciaux et territoriaux à :
- Établir une structure de prix qui dissuade l’achat de produits contenant de la nicotine, comme pour les produits du tabac.
L’ACSP appelle tous les gouvernements à :
Soutenir les activités de promotion de la santé, notamment :
- Accroître la sensibilisation et l’information du public sur la désaccoutumance au tabac en général et sur l’utilisation des dispositifs de vapotage en particulier, et financer l’accès à des produits et services de désaccoutumance au tabac fondés sur les preuves;
- Restreindre la publicité des produits contenant de la nicotine, comme pour la publicité du tabac.
CONTEXTE
Les dispositifs de vapotage sont apparus sur le marché asiatique en 2004, et leur utilisation s’est rapidement étendue. En 2011, ils constituaient un marché estimé à 2 milliards de dollars (USD)4, et on prévoyait qu’il atteindrait 10 milliards de dollars (USD) d’ici 2017 aux États-Unis seulement5. La plupart des fabricants de produits du tabac investissent dans l’industrie des dispositifs de vapotage.
Non seulement la croissance du marché a été rapide, mais il manquait en général de preuves des effets sur la santé et de l’innocuité des produits contenant et ne contenant pas de nicotine. Il y avait aussi des allégations infondées selon lesquelles les produits contenant de la nicotine pouvaient servir de dispositifs de désaccoutumance au tabac ou qu’ils s’avéreraient « moins risqués » que les produits du tabac, l’utilisateur (le « vapoteur ») n’étant pas soumis à la panoplie complexe de substances potentiellement cancérogènes résultant du tabagisme.
Un corpus de preuves scientifiques sur la salubrité et l’innocuité des dispositifs de vapotage contenant de la nicotine s’est développé depuis leur mise en marché; ces preuves ont fait l’objet de deux revues systématiques de la littérature spécialisée au Canada6,7. Des représentants des deux groupes (ayant mené ces revues systématiques) ont siégé au groupe de travail de l’ACSP. Le groupe de travail a effectué une analyse comparative des deux revues, en y ajoutant les preuves scientifiques accumulées jusqu’en janvier 2017. Les résultats de ce travail sont présentés à l’annexe A. Les deux revues soulignent la nécessité d’obtenir des données supplémentaires et mentionnent :
- Le manque d’information sur l’utilisation des dispositifs de vapotage en tant que dispositifs de désaccoutumance;
- Les informations contradictoires sur la probabilité, surtout chez les jeunes, que les dispositifs de vapotage servent de porte d’entrée au tabagisme;
- La nécessité d’étudier l’effet de la vapeur secondaire sur les non-vapoteurs (vapotage passif);
- La nécessité d’étudier les effets à long terme sur la santé de l’inhalation de la vapeur.
Notons que la recherche sur les dispositifs de vapotage se poursuit, et que les preuves continuent d’évoluer. Les recommandations contenues dans le présent énoncé de position sont le reflet de nos connaissances actuelles.
À l’étranger, plusieurs pays prennent des mesures pour réglementer les dispositifs de vapotage contenant de la nicotine. Par exemple :
- Les États-Unis ont élaboré des règlements avec des dispositions concernant les ingrédients, les étiquettes de mise en garde et les restrictions d’âge applicables aux ventes8;
- Le Royaume-Uni édicte des règlements en vertu des lois générales sur la sécurité des produits, et permet la demande d’une « licence pour produit médicinal » pour un dispositif de vapotage servant à arrêter de fumer9;
- La Directive sur les produits du tabac de 2016 de l’Union européenne exige des États membres qu’ils interdisent la publicité, qu’ils ajoutent des avertissements et que les produits respectent des normes de pureté10.
Au Canada, plusieurs provinces imposent des restrictions à l’utilisation des dispositifs de vapotage, et des municipalités, des conseils scolaires locaux et des conseils de santé ont adopté leurs propres règlements en la matière. De même, le Comité permanent de la santé (HESA) de la Chambre des communes a examiné la vente de ces dispositifs au Canada et formulé des recommandations en vue de leur réglementation11. Le 11 novembre 2016, ont été présentés un projet de loi fédéral prévoyant un conditionnement neutre pour les produits du tabac et un cadre juridique qui permettra la réglementation des dispositifs de vapotage contenant de la nicotine; enfin, en août 2017, le gouvernement du Canada a diffusé à des fins de consultation des propositions de réglementation des produits de vapotage12.
* Présentement au stade du « Projet de loi ayant fait l’objet d’un rapport avec des amendements à la Chambre des communes », le 20 mars 2018.
RÉFÉRENCES
1. Statistique Canada. Enquête canadienne sur le tabac, l’alcool et les drogues (ECTAD) : sommaire de 2015, 2017. Sur Internet : https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/enquete-canadienne-tabac-alcool-et-drogues/sommaire-2015.html.
2. Orjensen, I. « E-cigarettes are to be regulated as medicines from 2016 », British Medical Journal, vol. 346 (2013). DOI : http://dx.doi.org/10.1136/bmj.f3859.
3. Santé Canada. « Rappels et avis : Santé Canada déconseille l’usage des cigarettes électroniques », Canadiens en santé, 27 mars 2009. Sur Internet : http://canadiensensante.gc.ca/recall-alert-rappel-avis/hc-sc/2009/13373a-fra.php.
4. Euromonitor International. « E-cigarettes: A US$2 billion global industry – who should be worried? », 2012.
5. Torsoli, A., et M. Kitamura. « Future of e-cigarettes in question on European crackdown: Health », Bloomberg Media, 14 juin 2013. Sur Internet : http://wshpost.bloomberg.com.
6. O’Leary, R., et coll. Clearing the Air: A systematic review on the harms and benefits of e-cigarettes and vapour devices, Victoria (Colombie-Britannique), Centre for Addictions Research of BC, 2017.
7. Schwartz, R., et coll. RECIG: Research on E-Cigarettes Research Report, International Expert Panel, Toronto, Unité de recherche sur le tabac de l’Ontario, 2016.
8. États-Unis. Food and Drug Administration. FDA’s New Regulations for E-Cigarettes, Cigars and All Other Tobacco Products, 2016. Sur Internet : https://www.fda.gov/tobaccoproducts/labeling/rulesregulationsguidance/ucm394909.htm.
9. Royaume-Uni. Medicines and Healthcare Products Regulatory Agency. E-Cigarettes: Regulations for Consumer Products, 2016. Sur Internet : https://www.gov.uk/guidance/vaping device-regulations-for-consumer-products.
10. Union européenne. Questions-réponses : la nouvelle réglementation des produits du tabac, 2014. Sur Internet : http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-14-134_fr.htm.
11. Parlement du Canada. Vapotage : Vers l’établissement d’un cadre réglementaire sur les cigarettes électroniques, Rapport du comité HESA, 2015. Sur Internet : http://www.noscommunes.ca/DocumentViewer/fr/41-2/HESA/rapport-9.
12. Gouvernement du Canada. Loi modifiant la Loi sur le tabac, la Loi sur la santé des non-fumeurs et d’autres lois en conséquence, projet de loi émanant du gouvernement (Sénat), S-5, 2016. Sur Internet : http://www.parl.ca/LegisInfo/BillDetails.aspx?billId=8616151&Mode=1&Language=F.
Annexe A
Analyse comparative de deux revues systématiques de la littérature spécialisée sur les dispositifs de vapotage
But
La croissance rapide de la popularité des vapoteuses a lancé un débat sur leurs méfaits et leurs bienfaits possibles. Certains adeptes allèguent qu’elles peuvent aider à cesser de fumer, tandis que selon d’autres, ces dispositifs peuvent contribuer à normaliser le tabagisme et conduire à fumer des cigarettes, en particulier chez les jeunes et les adolescents. Les vapoteuses ont gagné en popularité à un rythme qui a dépassé les capacités de recherche; il y a donc eu des lacunes dans les connaissances de leurs bienfaits et de leurs méfaits potentiels, ainsi qu’un manque de standardisation dans leur production et celle des liquides disponibles. Ces lacunes ont semé la confusion dans le public quant à l’innocuité du vapotage et aux dangers possibles de la vapeur secondaire, et l’incertitude chez le législateur quant à la façon dont les dispositifs de vapotage devraient être réglementés.
Situation actuelle
Deux projets de synthèse des connaissances ont été menés pour consolider les études sur les dispositifs de vapotage et en cerner les lacunes. Les responsables du projet Clearing the Air de l’Université de Victoria et l’Unité de recherche sur le tabac de l’Ontario (URTO) ont mené des revues systématiques; l’étude de l’URTO incluait également des sondages, des entretiens et des analyses des données démographiques existantes1,2. Les deux documents abordent des thèmes similaires :
- Aide à la désaccoutumance
- Transition vers le tabac
- Effets sur la santé
- Vapeur secondaire
- Habitudes d’utilisation
Les deux projets concluent qu’il faudrait pousser la recherche sur les effets à long terme de ces dispositifs sur la santé et sur leur utilisation comme outils d’aide à la désaccoutumance, et que la réglementation devrait limiter leur adoption par les jeunes, tout en reconnaissant l’utilisation potentielle des dispositifs de vapotage par les programmes de réduction des méfaits et de sevrage tabagique. Ces résultats sont présentés au tableau 1 et expliqués plus loin. L’étude Clearing the Air incluait les données probantes publiées jusqu’en avril 2016, et celle de l’URTO, les données probantes publiées jusqu’en août 2015.
Tableau 1. Principales questions, constatations et différences des études Clearing the Air et URTO sur la cigarette électronique
Principales questions | Constatations de Clearing the Air | Constatations de l’URTO | Différences |
Désaccoutumance | Aucune preuve probante de l’influence de l’usage d’un dispositif de vapotage sur la consommation de cigarettes d’un fumeur-vapoteur. | Manque d’études de haute qualité pour connaître avec certitude l’efficacité des dispositifs de vapotage comme outils de désaccoutumance au tabac. | Aucune. |
Transition vers le tabac | L’usage de la vapoteuse ne mène pas au tabagisme chez les jeunes. | Il manque de données probantes indiquant que l’usage des dispositifs de vapotage est un catalyseur du tabagisme. | Les études divergent quant à savoir s’il y a suffisamment de données probantes pour déclarer si les dispositifs de vapotage mènent ou non au tabagisme. |
Effets sur la santé | Le vapotage produit de plus faibles niveaux de substances cancérogènes, mais aucune étude indépendante ne porte sur les émissions de 1,3-butadiène. Le genre de dispositifs et leurs modes d’utilisation entraînent des différences dans les niveaux d’émissions. | La nicotine, les PM2,5 et les substances toxiques produites tendent à indiquer des effets possibles sur la santé. Pour les fumeurs actuels, passer à un dispositif de vapotage diminue les risques de maladies liées au tabac, mais les effets à long terme sur la santé sont inconnus. | L’étude Clearing the Air donne de l’information sur les différences physiologiques entre les fumeurs et les vapoteurs. L’étude de l’URTO comprend des données sur le risque perçu pour la santé. |
Vapeur secondaire | C’est l’absorption passive de la nicotine produite par la vapeur; les constatations divergent quant aux émissions de particules fines, d’hydrocarbures aromatiques polycycliques et de métaux. | De la nicotine, des PM2,5 et d’autres composés sont libérés dans l’environnement; les effets à long terme du vapotage passif sur la santé ne sont pas clairs. | L’étude Clearing the Air donne de l’information sur les réactions physiologiques à la vapeur secondaire et aux particules fines des cigarettes électroniques. |
Habitudes d’utilisation | Peu de jeunes ont des habitudes de vapotage régulières pouvant servir de base comportementale au tabagisme régulier. | Les dispositifs de vapotage sont de plus en plus acceptables et utilisés chez les jeunes et les adultes. | L’étude de l’URTO donne plus de détails sur l’usage des dispositifs, l’usage de la nicotine et l’usage conjoint. |
Questions
Les deux groupes ont déterminé que l’usage des dispositifs de vapotage comme outils de désaccoutumance au tabac, la transition entre les dispositifs de vapotage et le tabac chez les jeunes et les adolescents et les effets sur la santé, notamment ceux liés aux substances cancérogènes, sont les principales questions qui nécessitent des études plus poussées1,2.
Aide à la désaccoutumance
Les preuves de l’efficacité des dispositifs de vapotage pour favoriser la désaccoutumance au tabac se contredisent, et il est difficile d’en tirer des conclusions fermes en raison de l’absence d’essais comparatifs randomisés (ECR) comparant les dispositifs de vapotage à d’autres méthodes de désaccoutumance. Néanmoins, l’étude Clearing the Air comme celle de l’URTO concluent que les preuves en faveur des dispositifs de vapotage pour favoriser la désaccoutumance sont suffisantes pour justifier des recherches plus poussées en ce sens, et que « les allégations d’un effet nuisible sont injustifiées1 ». L’étude de l’URTO indique que les dispositifs de vapotage pourraient plus efficacement favoriser la désaccoutumance lorsqu’ils contiennent de la nicotine et s’ils sont utilisés dans le cadre d’une thérapie de remplacement de la nicotine (TRN)2.
Transition vers le tabac
L’étude Clearing the Air conclut qu’il est sans fondement de croire que l’usage des dispositifs de vapotage peut pousser les jeunes et les adolescents à commencer à fumer1, tandis que l’étude de l’URTO indique que les preuves sont insuffisantes pour déterminer si les dispositifs de vapotage peuvent être considérés comme une porte d’entrée vers le tabac2. Dans la majorité des cas, c’est le tabagisme qui mène à l’usage de la cigarette électronique et non le contraire. Les études alléguant l’existence d’un lien entre les dispositifs de vapotage et la consommation de tabac par les jeunes sont critiquées, notamment parce que pour mesurer l’usage, elles demandent aux répondants s’ils ont « déjà utilisé » des cigarettes électroniques ou s’ils en ont utilisées « au cours des 30 derniers jours », et que cela ne devrait pas être considéré comme des indicateurs de vapotage « régulier » ou « actuel »1. L’indicateur d’utilisation « au cours des 30 derniers jours » surestime le nombre de vapoteurs « réguliers » ou « actuels », car il inclut les personnes qui peuvent avoir essayé ces dispositifs une ou deux fois seulement. Les études sur le lien entre l’usage des cigarettes électroniques et l’usage des cigarettes de tabac devraient porter sur les utilisateurs « réguliers » des dispositifs de vapotage.
Effets sur la santé et substances cancérogènes
Les études montrent que les aérosols et la vapeur produits par les dispositifs de vapotage contiennent beaucoup moins de substances toxiques et cancérogènes, et à des concentrations beaucoup plus faibles, que la fumée de cigarette1,2. La vapeur demeure aussi dans l’air beaucoup moins longtemps que la fumée de cigarette; l’exposition passive est donc de moindre durée, un élément qui tend à être négligé dans les études sur la vapeur secondaire1. Les niveaux réduits de substances cancérogènes incitent à étudier les dispositifs de vapotage comme outils de réduction des méfaits. En raison de la nouveauté relative des dispositifs de vapotage toutefois, il n’existe pas encore de données sur leurs effets à long terme sur la santé, que ce soit en lien avec le vapotage direct ou en raison du vapotage passif. Il n’y a pas non plus d’étude sur les émissions de 1,3-butadiène, la principale source du risque de cancer associé aux cigarettes de tabac. Il faut pousser la recherche sur les effets à long terme du vapotage et sur les différences entre les dispositifs et les liquides utilisés. Bien que d’autres études sur les différences entre les dispositifs soient nécessaires, on en sait suffisamment sur la toxicité des aérosols émis par les dispositifs de vapotage pour que l’étude de l’URTO recommande que les non-fumeurs ne devraient pas vapoter2.
Nouvelles données de recherche
Une analyse documentaire a été effectuée pour déterminer s’il y a eu de nouvelles données sur les questions posées dans l’étude Clearing the Air et dans celle de l’URTO. En voici les résultats.
Aide à la désaccoutumance
Depuis le rapport de l’étude Clearing the Air, d’autres études aux résultats contradictoires ont été publiées sur les dispositifs de vapotage comme outils de désaccoutumance au tabac. Les études publiées après avril 2016 font état d’une association négative entre les dispositifs de vapotage et la désaccoutumance3; d’autres ne font état d’aucune association4. Cela contraste avec les études qui ont démontré que chez les fumeurs-vapoteurs, les dispositifs de vapotage maintiennent la diminution du tabagisme, réduisent les symptômes de sevrage5 et sont associés à des taux d’arrêt du tabagisme plus élevés à long terme6. Selon une revue systématique des ECR et des études de cohortes, malgré la diminution de l’utilisation des cigarettes de tabac observée chez les utilisateurs réguliers des cigarettes électroniques, les preuves sont insuffisantes pour donner des résultats concluants sur l’efficacité des dispositifs de vapotage7. La plupart des personnes qui se mettent à utiliser des dispositifs de vapotage le font pour essayer de cesser de fumer1,2, ce qui rend difficile de savoir si ces dispositifs seraient plus efficaces que d’autres TRN. Bien que les données probantes confirment l’efficacité des dispositifs de vapotage comme outils d’aide à la désaccoutumance, leur succès n’est démontré que chez les personnes qui veulent cesser de fumer. Les études sur l’efficacité de ces dispositifs comme outils d’aide à la désaccoutumance tendent à comparer les taux d’arrêt des fumeurs qui utilisent des dispositifs de vapotage et ceux des fumeurs qui n’en utilisent pas; par conséquent, il reste nécessaire d’effectuer des recherches comparatives sur l’efficacité des dispositifs de vapotage et celle d’autres TRN établies.
Transition vers le tabac
L’étude Clearing the Air et celle de l’URTO tirent des conclusions différentes des données probantes sur le rôle possible de « porte d’entrée vers le tabac » des dispositifs de vapotage, mais accordent peu de confiance en ces résultats en raison de failles et de biais méthodologiques2. Une étude récente a constaté que les adolescents et les jeunes adultes qui utilisent des dispositifs de vapotage sont plus susceptibles de révéler une intention de fumer8. Cependant, « l’utilisation au cours des 30 derniers jours » ou « l’intention de fumer » peuvent ne pas être des prédicteurs appropriés de l’usage futur du tabac, car les personnes qui utilisent des dispositifs de vapotage peuvent présenter des comportements de recherche de sensations ou de recherche du risque, et l’intention de fumer peut ne pas être liée à l’utilisation des dispositifs de vapotage. Selon une étude, chez les « personnes n’ayant jamais fumé », seulement 1,2 % à 2,3 % disent avoir déjà essayé la cigarette électronique9. D’autres études publiées depuis l’étude Clearing the Air font aussi état d’associations entre l’utilisation des dispositifs de vapotage et le tabagisme chez les adolescents10,11. On ne sait toujours pas si les dispositifs de vapotage sont la cause d’une transition vers les cigarettes de tabac. Les études futures devraient être axées sur les utilisateurs réguliers et actuels des dispositifs de vapotage qui n’ont « jamais » fumé, car les résultats de telles études seraient plus susceptibles d’indiquer l’existence d’une base comportementale au tabagisme1.
Effets sur la santé
Il y a encore de l’incertitude quant aux l’ampleur des effets des dispositifs de vapotage sur la santé. Une grande partie de cette incertitude est due au vaste éventail de dispositifs et de liquides sur le marché. Bien que des niveaux réduits de composés organiques volatils et de monoxyde de carbone aient été observés chez les personnes qui sont passées du tabac à un dispositif de vapotage12, les niveaux de substances toxiques émises peuvent dépendre du dispositif utilisé, du genre de liquide utilisé et du mode d’utilisation du dispositif1. L’absence de standardisation complique l’évaluation des risques possibles pour la santé. Par exemple, des études récentes montrent qu’entre 27 produits de vapotage, les niveaux de nicotine produits peuvent être l’équivalent de ceux de moins d’une à plus de trois cigarettes combustibles13, d’où la difficulté d’en tirer des conclusions générales. De plus, dans certaines conditions, l’ajout d’édulcorants aux e-liquides produit des niveaux de furfural (un furane toxique) comparables à ceux que l’on trouve dans les cigarettes classiques14. À part la variation causée par le genre de dispositif ou le liquide utilisé, d’autres variations dans les substances toxiques libérées peuvent être causées par l’âge du dispositif ou en modifiant sa tension15. La multitude de dispositifs et de liquides disponibles et l’absence de standardisation dans leur fabrication font qu’il est difficile d’évaluer catégoriquement les risques possibles pour la santé; les effets à long terme des dispositifs de vapotage sur la santé sont donc un autre aspect à étudier davantage.
Réduction des méfaits
L’étude Clearing the Air et celle de l’URTO mentionnent toutes deux brièvement le potentiel des dispositifs de vapotage comme outils de réduction des méfaits, mais ni l’une ni l’autre n’inclut cet aspect dans les questions de recherche abordées. Bien qu’il soit possible d’utiliser les dispositifs de vapotage pour réduire les méfaits du tabac, car ils contiennent beaucoup moins de substances toxiques, des questions demeurent quant à l’éthique de leur utilisation. Les aspects éthiques à considérer ont été examinés et sont liés aux questions présentées plus haut, à savoir : l’innocuité des produits, leur efficacité potentielle pour la désaccoutumance au tabac, leur utilisation par les non-fumeurs et leur utilisation par les jeunes16. L’une des réserves que l’on peut avoir est que leur utilisation par les non-fumeurs pourrait causer un préjudice net accru pour la santé publique en raison de la dépendance à la nicotine. La solution serait de limiter la vente des liquides contenant de la nicotine (qui sont interdits au Canada) aux personnes qui utilisent des dispositifs de vapotage dans le cadre d’une TRN prescrite par un médecin. Des recherches plus poussées sur les questions présentées dans l’étude Clearing the Air et dans celle de l’URTO permettront de faire la lumière sur l’utilisation potentielle des dispositifs de vapotage dans le cadre de stratégies de réduction des méfaits.
RÉFÉRENCES
1. O’Leary, R., et coll. Clearing the Air: A Systematic Review on the Harms and Benefits of E-Cigarettes and Vapour Devices, Victoria (Colombie-Britannique), Centre for Addictions Research of BC, 2017.
2. Schwartz, R., et coll. RECIG: Research on E-Cigarettes Research Report, International Expert Panel, Toronto, Unité de recherche sur le tabac de l’Ontario, 2016.
3. Ekanem, U.S., et coll. « Electronic nicotine delivery systems and smoking cessation in Arkansas, 2014 », Public Health Reports, vol. 21, no 10 (2017). DOI : 10.1177/0033354916689611.
4. Yuyan, S., et coll. « E-cigarette use and smoking reduction or cessation in the 2010/2011 TUS-CPS longitudinal cohort », BMC Public Health, vol. 16, no 1105 (2016). DOI : 10.1186/s12889-016-3770-x.
5. Jorenby, D.E., S.S. Smith, M.C. Fiore et T.B. Baker. « Nicotine levels, withdrawal symptoms, and smoking reduction success in real world use: A comparison of cigarette smokers and dual users of both cigarettes and e-cigarettes », Drug and Alcohol Dependence, vol. 170 (2017), p. 93-101.
6. Zhuang, Y.L., S.E. Cummins, J.Y. Sun et S.H. Zhu. « Long-term e-cigarette use and smoking cessation: A longitudinal study with US population », Tobacco Control, vol. 25 (2016), p. i90–i95.
7. Ghosh, S., et M.B. Drummond. « Electronic cigarettes as a smoking cessation tool: are we there? », Current Opinion in Pulmonary Medicine, vol. 23, no 2 (2017), p. 111-116.
8. Zhong, J., et coll. « Electronic cigarettes use and intention to cigarette smoking among never-smoking adolescents and young adults: A meta-analysis », International Journal of Environmental Research and Public Health, vol. 13 (2016). DOI : 10.3390/ijerph13050465.
9. King, B.A., R. Patel, K. Nguyen et S.R. Dube. « Trends in awareness and use of electronic cigarettes among U.S. adults, 2010–2013 », Nicotine & Tobacco Research (2014). DOI : 10.1093/ntr/ntu191.
10. Miech, R., M.E. Patrick, P.M. O’Malley et L.D. Johnston. « E-cigarette use as a predictor of cigarette smoking: results from a 1-year follow-up of a national sample of 12th grade students », Tobacco Control (2017). DOI : 10.1136/tobaccocontrol-2016-053291.
11. Leventhal, A.M., et coll. « Association of e-cigarette vaping and progression to heavier patterns of cigarette smoking », Journal of the American Medical Association, vol. 316, no 18 (2016), p. 1918-1920.
12. Pulvers, K., et coll. « Tobacco consumption and toxicant exposure of cigarette smokers using electronic cigarettes », Nicotine & Tobacco Research (2016). DOI : 10.1093/ntr/ntw333.
13. EL-Hellani, A., et coll. « Nicotine and carbonyl emissions from popular electronic cigarette products: correlation to liquid composition and design characteristics », Nicotine & Tobacco Research (2016). DOI : 10.1093/ntr/ntw280.
14. Soussy, S., et coll. « Detection of 5-hydroxymethylfurfural and furfural in the aerosol of electronic cigarettes », Tobacco Control, vol. 25 (2016), p. ii88–ii93.
15. Sleiman, M., et coll. « Emissions from electronic cigarettes: Key parameters affecting the release of harmful chemicals », Environmental Science & Technology, vol. 50 (2016), p. 9644-9651.
16. Franck, C., et coll. « Ethical considerations of e-cigarette use for tobacco harm reduction », Respiratory Research (2016). DOI 10.1186/s12931-016-0370-3.