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Canadian Public Health Association

Les vérités partielles des politiciens ne résoudront pas la crise des drogues toxiques

Source

The Hill Times

Lieu

Ottawa (Ontario)

Catégorie

Imprimée/En ligne


par Ian Culbert et Natalie Brender
The Hill Times, Opinion
19 juin 2024

Les efforts déployés récemment par les dirigeants politiques pour inverser les politiques progressistes destinées à lutter contre la crise des drogues toxiques sont malavisés. Les personnes qui consomment des drogues ne sont pas les seules à être lésées par plusieurs actions : La demande de la Colombie-Britannique à Ottawa de recriminaliser l'usage public de drogues illicites dans cette province ; le refus de l'Ontario de soutenir la demande de décriminalisation de la ville de Toronto ; et la promesse du premier ministre Doug Ford d'examiner et de limiter les centres de consommation supervisée. En fait, les justifications trompeuses des dirigeants politiques pour ces revirements politiques nuisent à la compréhension par tous les Canadiens de la nature de la crise des drogues toxiques, de ce qu'il faut faire pour y remédier et de notre intérêt collectif dans cette crise.

Les dirigeants politiques ne servent pas les intérêts des Canadiens en utilisant fréquemment l'argument "nous avons essayé et cela n'a pas marché ; la crise s'est aggravée". Une telle formulation est presque toujours trompeuse, car la crise des drogues toxiques n'est pas un problème unique, mais un enchevêtrement de problèmes différents. Il s'agit notamment de problèmes individuels (traumatismes, maladies mentales et douleur mal gérée), de facteurs structurels (un approvisionnement en drogues de plus en plus toxiques, les conséquences de la pandémie, l'héritage du colonialisme) et d'échecs de la politique gouvernementale (sans-abrisme, conséquences de la criminalisation et mesures inadéquates en matière de prévention, de traitement et de réduction des risques).

Chacun de ces problèmes nécessite des efforts politiques spécifiques, et l'effet d'une réponse unique ne peut être évalué que par rapport à des résultats spécifiques. Tant qu'une approche globale, fondée sur des données probantes ne sera pas pleinement financée et mise en œuvre, nous ne pourrons pas nous attendre à une amélioration de la crise dans son ensemble.

Par exemple, la décriminalisation est une mesure politique fondée sur des données probantes visant à réduire la stigmatisation, les barrières sociales et les coûts associés à la criminalisation des personnes qui consomment des drogues. Le principal indicateur direct de son impact serait l'évolution du taux d'implication des personnes qui consomment des drogues dans le système de justice pénale. Les centres de consommation supervisée sont une mesure politique visant à réduire le taux de décès par intoxication dans la population environnante, et la recherche confirme leur efficacité.

Toutefois, à elles seules, ces mesures ne changeront pas les tendances à grande échelle. Tout politicien qui affirme qu'elles "ne fonctionnent pas" à la lumière de l'augmentation du nombre de décès par empoisonnement aux drogues toxiques dans une juridiction donnée ignore activement tous les autres facteurs en jeu et devrait être dénoncé pour avoir induit le public en erreur.

L'expérience récente montre que les interventions visant à sauver des vies et à améliorer le bien-être des personnes qui consomment de la drogue peuvent, lorsqu'elles ne disposent pas de ressources suffisantes ou sont mal gérées, être perçues comme ayant un impact négatif sur la sécurité du voisinage, l'activité commerciale ou la valeur des biens immobiliers. Bien entendu, les interventions politiques peuvent et doivent être conçues et financées de manière à réduire les effets secondaires négatifs potentiels. Néanmoins, l'affirmation des politiciens selon laquelle ces effets secondaires montrent que les interventions "ne fonctionnent pas" pour atteindre leur objectif est tout simplement trompeuse.

Les politiciens qui critiquent les interventions progressistes dans la crise des drogues toxiques induisent également les Canadiens en erreur en invoquant le terme de "communauté". Lorsque les dirigeants laissent entendre que les mesures d'aide aux personnes qui consomment de la drogue imposent un fardeau intolérable au bien-être de la communauté - c'est-à-dire aux non-consommateurs de drogues - ils nous encouragent à considérer les personnes qui consomment de la drogue comme des personnes distinctes du reste d'entre nous.

Les familles des plus de 43 000 Canadiens décédés à la suite d'empoisonnements par des drogues toxiques depuis 2016 savent qu'il n'en est rien. Les personnes qui consomment des drogues illicites toxiques sont nos voisins, nos amis et les membres de notre famille, et toute personne qui nie cette vérité pourrait être à deux doigts d'apprendre le contraire. Selon une étude réalisée en 2024, on estime qu'entre un tiers et la moitié des décès dus à un empoisonnement aux opioïdes au Canada concernent des consommateurs récréatifs qui n'ont jamais été diagnostiqués comme souffrant d'un trouble lié à l'utilisation d'opioïdes. Il s'agissait d'étudiants, de parents et d'ouvriers au milieu de la vie communautaire ordinaire.

Bien que certains politiciens vantent l'augmentation du nombre de lits de traitement comme une solution universelle, les lits de traitement disponibles n'auraient pas permis d'éviter ces décès et n'en empêcheront pas d'autres à l'avenir. Ce qu'il faut pour sauver ces membres de la communauté, c'est un contexte de décriminalisation de la consommation de drogue avec un accès à une offre réglementée plus sûre, et des mesures de réduction des risques plus robustes soutenues par des services sociaux et de santé dotés de ressources adéquates.

La cause principale des décès par intoxication est aujourd'hui l'offre de drogues toxiques, et chacun d'entre nous risque de voir sa famille et sa communauté bouleversées par ses effets. Les dirigeants politiques doivent aux Canadiens mieux que de simplifier à l'extrême les causes et les effets de cette crise, ou de choisir les interventions qui conviennent à leurs idéologies ou à leurs intérêts.

Ian Culbert est le directeur général de l'Association canadienne de santé publique et Natalie Brender est sa directrice des politiques.


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