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Canadian Public Health Association

L’accessibilité et l’utilisabilité des aires de jeu

Introduction

Le jeu est essentiel à la maîtrise par les enfants d’habiletés physiques, sociales et de gestion des risques; or, le milieu physique peut soit renforcer, soit entraver l’acquisition de ces habiletés1. Bien conçues, les aires de jeu peuvent soutenir le développement de la motricité globale, des interactions sociales et du raisonnement divergent. Les terrains de jeux et les structures matérielles peuvent accroître les niveaux d’activité des enfants2, les bacs à sable peuvent les encourager à se rassembler et à interagir en petits groupes3, et les variables de l’environnement (c.-à-d. le caractère naturel ou synthétique des structures, des surfaces ou des pièces détachées), les espaces semi-privés (p. ex. les endroits où les enfants se sentent cachés) et les équipements de jonction (p. ex. les ponts ou les tunnels) peuvent favoriser leur créativité4. Les études indiquent toutefois que certaines caractéristiques d’une aire de jeu peuvent marginaliser les enfants handicapés1, et qu’il est courant pour ces enfants de ne pas avoir accès à la majorité des équipements de jeux ou de ne pas pouvoir en utiliser certains éléments. Une telle situation favorise l’exclusion des enfants handicapés par leurs pairs au développement typique5,6.

Quand des équipements adaptés ou spécialisés sont disponibles, ils sont souvent en nombre limité et faits pour être utilisés par un seul enfant, ce qui met en évidence les limitations fonctionnelles de cet enfant et l’isole d’autant plus de ses pairs5,7,8. Ces facteurs réduisent les possibilités de jeux de l’enfant et le conduisent vers des activités sédentaires ou à l’écran (regarder la télévision et utiliser l’ordinateur) ou favorisent son inscription à des jeux plus structurés6,8. Le jeu libre est important pour le développement des enfants handicapés, car il leur permet de se dépasser, de se faire des amis, de modifier les perceptions de leur handicap et de reconnaître leurs capacités5. Selon une étude sur l’accès à la nature dans les camps d’été, les enfants handicapés qui s’adonnent à des jeux comportant des défis perçoivent leur corps sous un jour plus positif, deviennent plus autonomes et ont plus d’initiative8.

Accessibilité et utilisabilité

L’aménagement pour accès facile désigne la mise au point d’équipements et de milieux bâtis qui répondent à des normes permettant de les évaluer objectivement9,10. On s’attache pour cela aux limitations fonctionnelles des personnes handicapées et on tente de répondre à leurs besoins environnementaux et de communication en respectant certaines normes d’utilisabilité11. Cela mène souvent à l’intégration d’éléments adaptés ou spécialisés.

L’utilisabilité est définie comme étant la capacité de se guider dans un milieu donné et d’interagir avec ce milieu dans des conditions comparables à celles des autres utilisateurs. La conception universelle désigne la mise au point de produits et de milieux bâtis accessibles et utilisables par le plus grand nombre12. Elle respecte sept principes (voir le tableau 1) qui reconnaissent le spectre et le dynamisme des habiletés humaines12. Correctement appliquée, elle permet à toute personne, peu importe son âge, son agilité et ses aptitudes physiques ou sensorielles, d’utiliser des objets ou des espaces13. Contrairement à l’accessibilité, la conception universelle tient compte de l’évaluation individuelle et de l’expression subjective de la capacité d’utiliser un espace, de s’y déplacer et de le contourner12.

Tableau 1 : Principes de la conception universelle12

Principe : Utilisation égalitaire
Explication : Utile et commercialisable auprès de personnes ayant différentes capacités


Principe : Flexibilité d’utilisation
Explication : Conciliation à une vaste gamme de préférences et de capacités individuelles


Principe : Utilisation simple et intuitive
Explication : Compréhension facile de l’utilisation, indépendamment de l’expérience, des connaissances, des compétences linguistiques de l’utilisateur ou de son niveau de concentration au moment de l’utilisation


Principe : Information perceptible
Explication : Communication efficace de l’information nécessaire vers l’utilisateur, quelles que soient les conditions ambiantes ou les capacités sensorielles de la personne


Principe : Tolérance pour l’erreur
Explication : Réduction au minimum des dangers et des conséquences adverses des accidents ou des actions involontaires


Principe : Effort physique minimal
Explication : Utilisation efficace et confortable, générant une fatigue minimale


Principe : Dimensions et espace libre pour l’approche et l’utilisation
Explication : Une taille et un espace adéquats pour s’approcher, saisir, manipuler et utiliser le bien, quelles que soient la taille, la posture ou la mobilité de l’utilisateur


Lois et normes canadiennes sur l’accessibilité

Le Canada a ratifié en 2010 la Convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations Unies, ce qui a entraîné l’application de normes et de lignes directrices minimales sur l’accessibilité14. Trois provinces ont édicté des lois exhaustives en la matière : l’Ontario (Loi sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario, 2005); le Manitoba (Loi sur l’accessibilité pour les Manitobains, 2013); et la Nouvelle-Écosse (Accessibility Act, 2017).

La Loi sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario (LAPHO)

La loi ontarienne sur l’accessibilité est la plus complète au Canada15. Inspirée de l’Americans with Disabilities Act des États-Unis, elle vise à rendre la province entièrement accessible d’ici 2025. Introduite en 2012 en vertu de la LAPHO, la partie IV.1—Normes pour la conception des espaces publics (Normes d’accessibilité au milieu bâti) définit le champ d’application, les exigences en matière de consultation et la conception des « aires de jeu extérieures ». En 2016, ont été astreints à cette norme de la LAPHO le secteur public et les « grandes » organisations privées (50 employés et plus) qui aménagent ou qui réaménagent sensiblement une nouvelle aire de jeu. Ces organisations sont tenues d’intégrer :

  • Des options d’accessibilité (comme des composantes sensorielles et de jeu actif);
  • Une surface ferme et stable qui amortit les impacts pour prévenir les blessures;
  • Une surface comportant un dégagement suffisant pour permettre (surtout aux enfants et à leurs proches aidants) de traverser, de parcourir et de contourner l’aire de jeu.

Le libellé des normes est suffisamment souple pour permettre l’instauration d’éléments qui répondent aux besoins de la communauté, dont l’obligation de consulter le public, les personnes handicapées et (lorsqu’ils existent) les « comités consultatifs de l’accessibilité » municipaux15.

L’Annexe H : Aires et équipements de jeu accessibles aux personnes ayant un handicap

Hors de l’Ontario, peu de lois exigent que les aires de jeu soient accessibles. L’Association canadienne de normalisation (CSA) a cependant formulé des recommandations pour aider les provinces et leurs municipalités à répondre aux besoins des enfants handicapés. Elle a publié en 2007 une version révisée de sa norme Aires et équipements de jeu (CAN/CSA-Z614) en y ajoutant une ligne directrice relative à l’accessibilité intitulée Annexe H : Aires et équipements de jeu accessibles aux personnes ayant un handicap. Cette annexe présente des directives d’accessibilité minimales pour les aires de jeu aménagées ou réaménagées. Son application peut élargir l’accès physique aux aires de jeu, favoriser un sentiment d’utilisabilité et accroître la variété des types de jeu16. On y trouve des spécifications détaillées pour les éléments d’une aire de jeu (composantes de jeu, voies accessibles, systèmes de transfert et surfaces au sol), et certaines spécifications sont envisagées pour les différents stades de développement des enfants handicapés16. Le respect de la norme CAN/CSA-Z614 n’est pas exigé par la loi, sauf en Ontario et au Québec, et l’adoption de l’Annexe H est facultative.

Conclusion

Les éléments structuraux qui peuvent donner des résultats positifs chez les enfants au développement typique ne conviennent pas nécessairement aux enfants handicapés et peuvent même nuire à leur expérience de jeu. Il est donc important de concevoir des milieux qui confèrent les bénéfices du jeu à tous les enfants, quelles que soient leurs capacités. Bien qu’il s’agisse d’une notion largement reconnue, les lois ont souvent recours à une seule solution : la suppression des obstacles physiques. Ce n’est pas assez pour assurer le développement optimal des enfants handicapés. La suppression des obstacles doit s’accompagner de l’introduction d’éléments qui favorisent la variété des types de jeu et des interactions sociales5 et du retrait des éléments qui attirent inutilement l’attention sur l’invalidité8.


Bibliographie

  1. Yantzi, N.M., N.L. Young et P. Mckeever. « The suitability of school playgrounds for physically disabled children », Children’s Geographies, vol. 8, n° 1 (2010), p. 65–78.
  2. Escalante, Y., A. García-Hermoso, K. Backx et J.M. Saavedra. « Playground designs to increase physical activity levels during school recess: a systematic review », Health Education & Behavior, vol. 41, n° 2 (2014), p. 138–144.
  3. Czalczynska-Podolska, M. « The impact of playground spatial features on children’s play and activity forms: an evaluation of contemporary playgrounds’ play and social value », Journal of Environmental Psychology, vol. 38 (2014), p. 132–142.
  4. Ginsburg, K.R. « The importance of play in promoting healthy child development and maintaining strong parent-child bonds », Pediatrics, vol. 119, n° 1 (2007), p. 182–191.
  5. Jeanes, R., et J. Magee. « “Can we play on the swings and roundabouts?”: creating inclusive play spaces for disabled young people and their families », Leisure Studies, vol. 31, n° 2 (2012), p. 193–210.
  6. Standfield, S. Let’s Play: Creating Accessible Play Spaces: A Toolkit for School-Based Groups, Rick Hansen Foundation, s.d.
  7. Dunn, K., et M. Moore. « Developing accessible play space in the UK: a social model approach », Children, Youth and Environments, vol. 15, n° 1 (2005), p. 332–354.
  8. Masiulanis, K., et E. Cummins. How to Grow a Playspace: Development and Design, Taylor & Francis, 2017.
  9. Iwarsson, S., et A. Ståhl. « Accessibility, usability and universal design—positioning and definition of concepts describing person-environment relationships », Disability and Rehabilitation, vol. 25, n° 2 (2003), p. 57–66.
  10. Moore, A., et H. Lynch. « Accessibility and usability of playground environments for children under 12: a scoping review », Scandinavian Journal of Occupational Therapy, vol. 22, n° 5 (2015), p. 331–344.
  11. Skulski, J. Designing for Inclusive Play: Applying the Principles of Universal Design to the Playground, National Center on Accessibility (États-Unis), 2007.
  12. Mace, R. What is Universal Design?, The Center for Universal Design at North Carolina State University, 1997.
  13. Center for Universal Design. Fact Sheet Definitions: Accessible, Adaptable, and Universal Design, College of Design, North Carolina State University, 2006.
  14. Walker, J. La Convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations Unies : vue d’ensemble, Ottawa, Bibliothèque du Parlement, 2013.
  15. Loi de 2005 sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario, L.O. 2005, chap. 11.
  16. Association canadienne de normalisation [CSA]. « Annexe H : Aires et équipements de jeu accessibles aux personnes ayant un handicap », Aires et équipements de jeu (norme CAN/CSA-Z614-F14), 2007.

Date de modification : 28 janvier 2019