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Canadian Public Health Association

Le principe de Jordan et la santé publique

Le principe de Jordan et la santé publique

RECOMMANDATION

L’Association canadienne de santé publique appuie le principe de Jordan et demande aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux de le mettre pleinement en oeuvre et d’aborder les différends intergouvernementaux liés à la prestation des  services sociaux et de santé et/ou aux mesures de soutien aux enfants des Premières Nations.

CONTEXTE

Le principe de Jordan est une démarche visant à résoudre les différends concernant la prestation des services publics aux enfants des Premières Nations qui vivent dans les réserves et à l’extérieur de celles-ci. Le principe de Jordan place l’intérêt de l’enfant en premier quand il s’agit de répondre aux besoins des enfants des Premières Nations d’une manière culturellement appropriée et avec efficacité (dans un délai de 48 heures); ainsi, le gouvernement contacté en premier au sujet d’un enfant finance les besoins en soins de santé et services sociaux, et ce, sans délai ni interruption des services. Tout différend en matière de financement entre les organismes gouvernementaux doit être résolu plus tard au moyen d’un mécanisme de résolution des litiges de compétences. Les éléments suivants font partie du principe :

  • Régler les situations où les gouvernements et les ministères ne parviennent pas à décider qui doit payer les services et les mesures de soutien permettant de répondre aux besoins d’un enfant de Premières Nations;
  • Assumer le coût des services de santé et sociaux et des mesures de soutien connexes pour les enfants des Premières Nations dans des situations où l’accès à des programmes financés par des fonds publics n’est pas offert;
  • Faciliter l’accès aux services de santé et sociaux et aux mesures de soutien connexes pour tous les enfants des Premières Nations sans délai ni interruption.

La situation sous-jacente qui a donné lieu à ce principe était insoutenable tant du point de vue de l’équité en matière de santé que de celui de la justice sociale, et représente un exemple de violence structurelle, où des désaccords au sujet des secteurs de compétence ont causé un préjudice à un enfant.

Jordan River Anderson était un jeune garçon autochtone de la nation des Cris de Norway House à Winnipeg qui, en raison d’une maladie rare, a dû être hospitalisé dès sa naissance. Un jour, les médecins ont estimé qu’il pouvait quitter l’hôpital pour aller vivre dans un foyer d’accueil avec de l’équipement et des services médicaux spécialisés situé près de l’hôpital de Winnipeg1. Les organismes gouvernementaux ont cependant passé plus de deux ans à se disputer au sujet de leur responsabilité financière respective à l’égard des soins à domicile. Ces services auraient été habituellement offerts aux autres enfants canadiens sans qu’il n’y ait de conflit2. La cause de ces conflits était l’éventail complexe de responsabilités financières fédérales, provinciales et territoriales concernant la prestation de services de soins de santé aux Premières Nations. En 2005, Jordan est décédé à l’hôpital, à l’âge de cinq ans. Les défenseurs des Premières Nations ont établi et soutenu la mise en œuvre du principe de Jordan, qui a reçu par la suite un appui unanime de la part de la Chambre des communes en 20073. Malgré cet appui, le principe de Jordan a continuellement été enfreint, ce qui a poussé la Commission de vérité et réconciliation à en faire le troisième de ses 94 « appels à l’action » en 20154. Le principe de Jordan a aussi été au centre d’une décision du Tribunal canadien des droits de la personne (TCDP) en janvier 2016 dans laquelle le Tribunal a demandé au gouvernement du Canada de « mettre fin à l’acte discriminatoire et [de] prendre des mesures pour corriger la situation et pour empêcher qu’elle se reproduise5 ». En mai 2017, le non-respect persistant du principe a poussé le TCDP à rendre une troisième ordonnance de non-conformité , qui estime que « la définition et la mise en œuvre du principe de Jordan par le Canada [sont] étroites et inadéquates, ce qui [entraîne] des lacunes dans la prestation de services, des délais et des refus pour les enfants des Premières Nations6. »


1 Le fait que Jordan n’a pu recevoir ces services qu’en entrant dans le système de protection de l’enfance, au lieu de retourner vivre chez lui, est une injustice de plus dans son histoire. C’est pourquoi le principe de Jordan vise aussi à faire en sorte que les enfants et les jeunes des Premières Nations aient accès aux services qu’il leur faut à domicile.

2 Le Groupe de travail sur le Principe de Jordan, Sans déni, délai ou interruption : veiller à ce que les enfants des Premières Nations bénéficient de services équitables par l’entremise du Principe de Jordan, Ottawa, Assemblée des Premières Nations, 2015.

3 Chambre des communes, Motion 29 d’initiative parlementaire, 12 décembre 2007.

4 Commission de vérité et réconciliation, Appels à l’action, Commission de vérité et réconciliation - Pensionnats indiens, Ottawa, 2015.

5 « Assemblée des Premières Nations c. Procureur général du Canada », Tribunal canadien des droits de la personne (2016 TCDP 2), 26 janvier 2016.

6 « Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada c. Procureur général du Canada », Tribunal canadien des droits de la personne (2017 TCDP 14), 26 mai 2017.


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