Document de base : Points de vue de la santé publique sur l’avenir des psychédéliques
MESSAGES ESSENTIELS
- Les investissements commerciaux dans la recherche, la fabrication et les traitements associés aux psychédéliques sont en train de surpasser la disponibilité de données rigoureuses, impartiales et exhaustives sur l’efficacité potentielle de la thérapie assistée par les psychédéliques pour traiter les troubles de santé mentale.
- La recherche, la commercialisation et les pratiques actuelles axées sur les psychédéliques risquent de détourner les connaissances et les pratiques culturelles autochtones traditionnelles en la matière.
- Les possibilités des psychédéliques pour améliorer la santé mentale des populations ne pourront être exploitées que si les protocoles de recherche et de traitement incluent à part entière les populations structurellement défavorisées.
- Il y aurait lieu de réglementer les psychédéliques selon un cadre de santé publique conciliant leur innocuité, leur accessibilité et la diversité des besoins de différents secteurs et populations en la matière.
- En réponse à la croissance de l’intérêt populaire pour les psychédéliques et de l’usage de ces substances, les parties prenantes de la santé publique doivent élaborer sans attendre des stratégies factuelles de réduction des méfaits et d’information du public.
POURQUOI UNE DÉMARCHE DE SANTÉ PUBLIQUE À L’ÉGARD DES PSYCHÉDÉLIQUES?
Depuis une dizaine d’années, les observateurs et les participants du domaine remarquent que l’intérêt général pour les psychédéliques et les investissements commerciaux dans ces substances dépassent largement l’état des connaissances à leur sujet. En 2024, un groupe d’experts de diverses disciplines, le Hopkins-Oxford Psychedelics Ethics (HOPE) Working Group, a publié une importante déclaration de consensus :
Le domaine des psychédéliques se trouve à un tournant de son histoire : la recherche, les applications cliniques et les principes d’action prolifèrent. L’usage des psychédéliques s’étend, et l’élaboration de systèmes régissant cet usage a déjà commencé. Ces changements surviennent dans un climat de grande incertitude, tant au sujet des effets des psychédéliques que des dimensions éthiques de leur usage. (Jacobs et al. 2024 [traduction libre])
Étant donné l’intérêt populaire croissant pour l’usage de ces substances à des fins non cliniques, spirituelles et de mieux-être et le besoin criant de nouveaux traitements efficaces en santé mentale, plusieurs pays commencent à explorer divers plans de décriminalisation ou de légalisation (Chesak 2024; Psychedelic Alpha s.d.). Le terrain judiciaire et les terrains de la recherche et des politiques ont tendance à être façonnés par les intérêts commerciaux des entreprises de développement de médicaments, des investisseurs et des facilitateurs (les personnes qui supervisent l’expérience psychédélique). C’est le cas aussi des promoteurs militants et des organismes sans but lucratif qui cherchent à libéraliser l’accès aux psychédéliques du grand public ou de groupes particuliers, comme les anciens combattants et les secouristes opérationnels. Dans de nombreuses villes canadiennes, des entrepreneurs ouvrent illégalement des magasins virtuels ou physiques qui vendent de la psilocybine et d’autres psychédéliques; les services policiers locaux y font des rafles à l’occasion, mais font en général comme s’ils n’existaient pas (Lorinc 2024). Les peuples autochtones de nombreuses régions du monde connaissent de longue date les psychédéliques naturels et en font usage dans des cérémonies et pour la guérison; ils font parfois bon accueil à l’implication des colonisateurs, mais craignent aussi de se faire subtiliser leur savoir et leurs traditions (UNODC 2024).
Du point de vue de la santé publique, ces développements soulèvent beaucoup de questions. Les usages thérapeutiques des psychédéliques, par exemple, pourraient un jour aider les Canadiennes et les Canadiens mal servis par les approches cliniques existantes de traitement de la maladie mentale et de promotion du mieux-être. Cependant, pour les populations plus exposées à la maladie mentale en raison de leur défavorisation structurelle, l’utilité potentielle des psychédéliques ne se matérialisera que si la recherche sur la médecine psychédélique repose sur des considérations d’équité.
Un autre élément dont il importe de tenir compte en santé publique est le décalage actuel entre l’accès naissant des consommateurs aux psychédéliques et la préparation des promoteurs de la santé à fournir des informations factuelles pour en réduire les méfaits. Les pressions exercées par les entreprises au cours des dernières décennies en faveur d’autres substances psychotropes (alcool, tabac, cannabis) devraient alerter la communauté de la santé publique à la possibilité que des entreprises influencent la recherche, la médecine et l’environnement réglementaire des psychédéliques de manière à privilégier leurs propres intérêts et non les résultats de santé des populations.
De nombreux joueurs sur le terrain des psychédéliques peuvent avoir intérêt à minimiser les inquiétudes face aux torts que pourraient causer la recherche thérapeutique et les usages non cliniques. C’est pourquoi la directrice d’un récent colloque universitaire sur les « études psychédéliques critiques » affirme que « les nuances et la réduction des méfaits ne menacent en rien la survie du domaine; ce sont plutôt des caractéristiques essentielles à la rigueur scientifique et aux avantages éventuels (des psychédéliques) » (Devenot 2024 [traduction libre]). Cet avertissement implique deux choses pour la communauté de la santé publique. Premièrement, les professionnels de la santé publique doivent impérativement avoir conscience de la multiplicité d’intérêts et de joueurs dans le domaine des psychédéliques et de la nécessité d’intervenir dans l’élaboration des politiques pour le bien de la santé des populations. Deuxièmement, et encore plus urgent, la communauté de la santé publique doit impérativement commencer à réduire le décalage entre, d’une part, l’intérêt populaire et le battage médiatique monstres qui entourent les psychédéliques, et d’autre part, le manque de conseils probants sur la réduction des risques et des méfaits liés à l’usage de ces substances.
Motivée par ces considérations, l’Association canadienne de santé publique (ACSP) a tenu en juin 2023 un forum virtuel de deux jours, intitulé « Une démarche de santé publique à l’égard des psychédéliques », à l’intention des parties prenantes de la santé publique, des chercheurs, des praticiens et des militants sur le terrain. Y ont été abordés des sujets comme la recherche clinique et les applications médicales, les déterminants commerciaux de la santé et les approches réglementaires, la participation équitable des populations structurellement défavorisées et les points d’intersection entre les usages autochtones, religieux et récréatifs des psychédéliques. De ce forum est issu un rapport qui résume les discussions des six séances thématiques et qui propose des orientations à envisager pour l’avenir (Association canadienne de santé publique 2023b).
Le présent document dessine une vue d’ensemble, centrée sur la santé publique, du terrain actuel des psychédéliques afin de poser aux professionnels de la santé publique, aux chercheurs et aux responsables des politiques des questions pertinentes et de leur suggérer des interventions. Comme il s’agit d’un domaine relativement nouveau et en plein essor, l’ACSP ne formule pas encore de recommandations détaillées. Elle essaie plutôt d’aider la communauté de la santé publique et les autres parties prenantes à comprendre ce qui est en jeu pour la population canadienne dans ces développements, les répercussions qu’ils pourraient entraîner et les mesures à prendre dès aujourd’hui.
PSYCHÉDÉLIQUES 101
Les psychédéliques désignent un groupe librement défini de substances « catégorisées par l’expérience subjective commune, chez les personnes qui en font usage, d’un état de conscience sensiblement altéré et par la profonde capacité d’induire de façon fiable des changements de la perception, de la cognition et de l’humeur » (Rush et al. 2022 [traduction libre]). Parmi ce qu’on appelle les « psychédéliques classiques », il y a le LSD (diéthylamide de l’acide lysergique), la DMT (N,N-diméthyltryptamine), la psilocybine et la mescaline; dans la catégorie « atypique », citons la kétamine, la MDMA (3,4-méthylènedioxyméthylamphétamine) et l’ibogaïne. Beaucoup de ces substances sont naturellement présentes dans les plantes, les champignons et les animaux et sont utilisées depuis longtemps par les peuples autochtones dans des contextes communautaires traditionnels pour les cérémonies et la guérison. D’autres ont été synthétisées au 20e siècle, et les chercheurs en développent constamment de nouvelles.
Chaque substance psychédélique a des effets subjectifs caractéristiques sur les sentiments, la cognition et la perception qui sont ressentis très différemment par chaque personne. Collectivement, les états de conscience altérés aigus produits par les psychédéliques peuvent durer « de quelques minutes à plusieurs heures et peuvent persister pendant des jours, des semaines, des mois ou même des années » (Jacobs et al. 2024 [traduction libre]). On ne sait pas encore très bien comment les psychédéliques produisent leurs effets subjectifs. Selon les études actuelles, contrairement à la plupart des autres substances psychotropes, le mécanisme pharmacologique des psychédéliques n’en explique que partiellement les effets. Dans les mots de Timothy Leary, la pharmacologie « se combine à deux autres facteurs : l’état d’esprit (ou “set” – ce que chaque personne apporte à l’expérience – ses attentes, sa personnalité, son soutien interpersonnel et son état mental/affectif) et le cadre (ou “setting” – à la fois l’environnement physique et le contexte socioculturel) » (Rush et al. 2022 [traduction libre]).
On pense que le potentiel des psychédéliques pour la médecine clinique et pour d’autres formes de guérison découle de leur effet sur la neuroplasticité, et donc de la possibilité de changer les schémas de sentiments, de pensées et de perceptions. L’approche standard de la thérapie assistée par les psychédéliques reflète cette attente de changements importants et subjectivement signifiants : elle inclut une étape de préparation (où s’établit un rapport avec la ou le psychothérapeute), une ou plusieurs séances de prise du médicament et une étape d’intégration de l’expérience.
Bien que les psychédéliques soient jugés moins dangereux que d’autres substances psychotropes (Nutt et al. 2010) et non toxicomanogènes à l’exception de la kétamine (Rush et al. 2022), leur consommation n’est pas sans risques; ceux-ci varient selon la substance, la personne et le contexte de consommation. L’expérience aiguë (le « high ») peut s’accompagner de panique, d’anxiété, de comportements risqués et de détresse aiguë. À plus long terme, il peut y avoir « des répercussions plus graves comme la psychose, des problèmes psychologiques continus et des troubles de la vue » (Association canadienne de santé publique 2023 [traduction libre]). En raison de ces risques, les essais cliniques et les centres de traitement qui utilisent des drogues psychédéliques excluent généralement les personnes ayant des troubles psychiatriques, comme la schizophrénie ou le trouble bipolaire, ou présentant des risques physiques, comme des troubles cardiaques (Smith 2023).
On en sait encore très peu sur les méfaits subis par les personnes faisant usage de psychédéliques et sur les conditions dans lesquelles ces méfaits surviennent. Depuis quelques années, des chercheurs et des promoteurs sonnent l’alarme face à ces effets néfastes (MacBride 2023); pour contrer les effets de l’engouement pour les psychédéliques et de l’ignorance de leurs risques, d’autres recueillent des signalements d’expériences négatives associées à l’usage de ces substances (The Challenging Psychedelic Experiences Project 2024).
Situation et usage au Canada
L’usage non clinique et la possession de psychédéliques sont illégaux au Canada; ces substances ne peuvent être prescrites ou vendues que par des professionnels de la santé qualifiés ou en pharmacie. La plupart tombent sous le coup de l’Annexe III de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (LRCDAS), mais la kétamine et la MDMA sont visées par l’Annexe I, dont la réglementation est plus stricte.
Deux exceptions importantes permettent un usage particulier des psychédéliques au Canada. Depuis 2017, une exemption à l’article 56 décrétée par Santé Canada permet à deux groupes religieux (les églises Santo Daime et União do Vegetal) d’importer du Brésil de l’ayahuasca réglementé et d’en faire usage dans le cadre de leurs pratiques religieuses (Rochester et al. 2022). Santé Canada a aussi approuvé les demandes de praticiens de la santé qui souhaitent utiliser certaines substances (psilocybine, MDMA, kétamine) dans le cadre de thérapies assistées par les psychédéliques, et elle autorise certaines entreprises neuro-pharmaceutiques à fabriquer et à vendre des psychédéliques. Par ailleurs, de nombreux essais de recherche clinique en cours au Canada étudient l’innocuité et l’efficacité potentielle d’une gamme de substances psychédéliques pour soigner des troubles mentaux (en particulier la dépression réfractaire, l’état de stress post-traumatique et la détresse de fin de vie) et des troubles d’usage de substances.
Malgré ces restrictions légales, les substances psychédéliques du marché illégal sont largement disponibles et utilisées au Canada. Elles sont vendues en magasin dans de nombreuses villes, souvent avec la tolérance tacite des autorités locales, mais il y a parfois des rafles et des arrestations dans ces magasins. Il existe des communautés de pratique clandestines, religieuses et non religieuses; des gens font usage de psychédéliques épisodiquement et par microdosage régulier de petites quantités; et des « guérisseurs » ou des « guides » sans qualifications proposent des soins psychédéliques facilités à des fins thérapeutiques ou spirituelles.
Selon la dernière Enquête canadienne sur l’alcool et les drogues, 2 % de la population canadienne et 6 % des adultes de 20 à 24 ans faisaient usage de drogues hallucinogènes (LSD, PCP, psilocybine) en 2019 (Canada s.d. [a]). Ces taux sont semblables aux données des États-Unis, selon lesquelles, en 2022, 7,7 % des adultes de 18 à 25 ans (et 3 % de toutes les personnes de 12 ans et plus) disaient avoir fait usage d’hallucinogènes au cours de l’année antérieure (Substance Abuse and Mental Health Services Administration 2023). Selon une autre enquête récente, menée auprès des élèves canadiens de la 7e à la 12e année, les hallucinogènes étaient la drogue la plus consommée au cours de l’année antérieure, et 16 % des répondants disaient qu’il était facile ou très facile d’en obtenir (Canada s.d. [b]). Dans une enquête menée dans les établissements d’enseignement postsecondaires du Canada au cours de la même période, un nombre beaucoup plus important de répondants ont dit avoir fait usage d’hallucinogènes au cours de l’année antérieure que de toute autre drogue (Canada s.d. [c]).
PRÉOCCUPATIONS RELATIVES AUX POSSIBILITÉS CLINIQUES ET À LA SANTÉ DES POPULATIONS
L’essor actuel de la recherche sur les possibilités cliniques des psychédéliques et de l’intérêt populaire pour le sujet s’explique en partie par le manque de ressources en santé mentale disponibles et efficaces pour traiter des affections comme la dépression réfractaire, l’état de stress post-traumatique, la détresse de fin de vie et les troubles d’usage de substances. Les traitements existants de ces affections sont inefficaces chez certaines personnes et hors de portée pour beaucoup d’autres, mais cela pourrait changer du tout au tout s’il s’avère que la médecine psychédélique a des effets relativement rapides et durables. Si d’autres professionnels qualifiés, hors du champ de la médecine, pouvaient proposer des soins psychédéliques sûrs, efficaces et présentant des bénéfices thérapeutiques, une amélioration de la santé mentale des populations serait envisageable. La santé publique a donc tout intérêt à surveiller l’évolution de la recherche clinique sur les psychédéliques et l’adoption de ces substances par les organismes de réglementation et par le corps médical.
De nombreux aspects du paysage actuel de la recherche clinique soulèvent toutefois des préoccupations du point de vue de la santé publique :
- On s’inquiète de l’intégrité de la recherche elle-même, et on ignore encore si la promesse d’efficacité des psychédéliques sera corroborée par les données;
- On se demande si les traitements seront accessibles, car le protocole actuel de la médecine psychédélique est très axé sur la psychothérapie;
- On craint que le manque de diversité des participants à la recherche clinique actuelle sur les psychédéliques ne limite l’accessibilité des soins psychédéliques et leur adaptabilité à toutes les populations susceptibles d’en bénéficier.
Préoccupations relatives à la recherche clinique
Diverses parties prenantes de la recherche sur les psychédéliques proposent des interprétations très différentes des résultats démontrés jusqu’à maintenant par les essais cliniques de médicaments psychédéliques. De nombreux observateurs reconnaissent que des essais cliniques à petite échelle sont prometteurs, mais qu’il n’existe encore aucune preuve concluante de l’efficacité potentielle des substances comme la psilocybine, la MDMA et la kétamine pour traiter un éventail de troubles de santé mentale (Association canadienne de santé publique 2023b).
Selon certaines critiques de cette recherche cependant, « la science psychédélique fait face à de graves difficultés qui menacent la validité de ses constatations de base et font douter de l’efficacité clinique et de l’innocuité [de ces substances] » (Van Elk et Fried 2023 [traduction libre]). Ces difficultés découlent d’un ensemble de carences méthodologiques qui remettent en question le lien de causalité et la généralisabilité des effets des traitements, l’explication des effets et la validité statistique des conclusions. Comme « ces problèmes ont tendance à coexister dans les études psychédéliques », ils « [limitent] les conclusions que l’on peut tirer sur l’innocuité et l’efficacité potentielle des thérapies assistées par les psychédéliques » (Van Elk et Fried 2023 [traduction libre]). D’autres observateurs, tout en reconnaissant ces écueils, suggèrent que la difficulté de produire de la recherche sur les psychédéliques conforme à l’étalon de référence méthodologique – l’essai comparatif randomisé en double insu – pourrait indiquer qu’il faut repenser les hypothèses méthodologiques et envisager des plans d’essais différents, adaptés à l’unicité de l’expérience psychédélique et à l’influence exercée par les attentes des patients (Aday et al. 2023; Rush et al. 2022). L’élément psychothérapeutique des essais sur les psychédéliques a été très peu standardisé jusqu’à maintenant, ce qui complique d’autant plus l’interprétation et la comparaison des résultats des essais (Association canadienne de santé publique 2023b). Tous ces aspects ont servi d’appui à la décision très médiatisée d’un comité consultatif de la Food and Drug Administration des États-Unis, en juin 2024, de rejeter la demande d’approbation d’un nouveau médicament pour traiter l’état de stress post-traumatique dans le cadre de la thérapie assistée par la MDMA, demande présentée par Lykos, une compagnie pharmaceutique privée issue de l’essaimage de la Multidisciplinary Association for Psychedelic Studies (MAPS) (Jacobs 2024; Sinclair 2024; Hu 2024). En août 2024, la FDA a officiellement refusé d’approuver la demande de Lykos.
La recherche actuelle sur le mécanisme encore inconnu par lequel les psychédéliques ont un effet bénéfique sur les troubles mentaux est particulièrement conséquente pour l’avenir de la médecine psychédélique. Des investisseurs et des chercheurs en pharmacologie psychédélique s’intéressent de très près au développement de composés modifiés pouvant avoir des effets sur la plasticité du cerveau tout en raccourcissant ou en éliminant du traitement l’expérience psychédélique subjective, et donc vraisemblablement le besoin de psychothérapie. De tels composés donneraient lieu à des « traitements évolutifs » beaucoup moins chers que le protocole actuel, qui nécessite énormément de temps clinique de supervision et de psychothérapie (Smith 2022). En éliminant le stress physique et émotionnel de l’expérience psychédélique, un traitement médical psychédélique pourrait être possible pour les patients actuellement non admissibles en raison d’un risque de psychose ou de troubles cardiaques.
Certains chercheurs croient cependant que l’expérience psychédélique est intrinsèquement liée aux effets thérapeutiques des changements cognitifs, et qu’il pourrait donc être contraire à l’éthique d’enlever cet élément de la médecine psychédélique au nom du rapport coût-efficacité. L’aboutissement de la recherche sur cette question et du développement de médicaments a d’importantes implications pour la médecine, l’industrie et, à terme, la santé des populations : « À la clé du débat, il y a non seulement la question intellectuelle de savoir comment des drogues qui vous font traverser l’enfer peuvent guérir la dépression; leur administration future sous forme de médicaments et leur mise en marché en dépendent » (Smith 2022 [traduction libre]).
Préoccupations relatives à l’équité et à la santé des populations soulevées par la recherche sur les psychédéliques
Jusqu’à maintenant, les sujets des essais de recherche clinique sur les drogues psychédéliques sont remarquablement homogènes. Les essais font appel à des participants strictement sélectionnés, d’ordinaire des personnes blanches, de milieux urbains, très instruites et peu susceptibles de présenter des diagnostics de troubles de santé mentale réfractaires (Hayes 2024). Étant donné l’effet des identités raciales et culturelles sur la manifestation des troubles de santé mentale, les critiques de la science psychédélique classique notent « un grand besoin d’études qui démontrent l’efficacité potentielle de la thérapie assistée par les psychédéliques chez les personnes de couleur » (George et al. 2020 [traduction libre]). Le caractère exclusif de la recherche clinique actuelle se reflète aussi dans l’absence de femmes et de personnes de couleur à la tête des études scientifiques sur les psychédéliques (Williams et Labate 2019).
Les protocoles de traitement actuels dans les études sur la thérapie assistée par les psychédéliques n’accordent pas la priorité aux traitements médicaux culturellement appropriés pouvant convenir aux patients autochtones, noirs ou provenant d’autres groupes méritant l’équité (George et al. 2020). La signification clinique des traitements recensés dans les études de recherche psychédélique pourrait donc disparaître pour des populations moins homogènes ayant besoin de milieux, de protocoles et de personnels culturellement appropriés pour les sécuriser et les mettre en confiance (Rush et al. 2022). Ce n’est qu’en déployant des efforts délibérés pour mettre au point des soins psychédéliques culturellement adaptés que la recherche produira des traitements efficaces pour les populations qui en ont le plus besoin (Chen et al. 2020).
Préoccupations relatives à l’équité et à la santé des populations soulevées par les protocoles de la thérapie assistée par les psychédéliques
En médecine psychédélique, l’un des principaux obstacles à l’équité est la prépondérance des services thérapeutiques dans les protocoles de traitement actuels de la recherche et de la pratique cliniques, et les dépenses en temps et en argent associées à ces protocoles. Il faut une ou plusieurs séances de préparation, une à trois séances de prise du médicament sous la supervision de deux cliniciens (6 à 8 heures chacune) et des séances d’intégration de l’expérience supervisées par un psychothérapeute (10 à 15 heures en tout) (Aday et al. 2023). Sans assurance, les coûts de ces heures de clinique et de supervision seraient prohibitifs pour les patients à faible revenu; les populations ayant le plus besoin de ces traitements n’auraient donc pas les moyens de s’en prévaloir.
Cet obstacle à l’abordabilité sera d’autant plus important si la formation en soins sensibles aux traumatismes et à la violence et en sécurisation culturelle devient une priorité pour les thérapeutes utilisant les psychédéliques. Comme il est indiqué dans une analyse des soins orientés sur l’équité en médecine psychédélique, « les mesures qui rendent la médecine psychédélique plus sûre, comme la psychoéducation accrue des patients ou la présence de deux thérapeutes au lieu d’un seul durant l’administration des médicaments, sont généralement associées à des coûts de thérapie plus élevés » (Rea et Wallace 2021 [traduction libre]).
La recherche actuelle sur les mécanismes de l’effet thérapeutique des médicaments psychédéliques est d’une importance cruciale pour l’accès éventuel des populations structurellement défavorisées à ces médicaments. S’il s’avère que les médicaments psychédéliques présentent des avantages thérapeutiques durables sans l’expérience subjective du « high » psychédélique (Olson 2020), et donc qu’ils nécessitent moins de thérapie et de supervision, cela ouvrirait la porte à des traitements faciles à administrer et moins prohibitifs sur le plan du coût, de la sécurisation culturelle et de l’exclusion pour des raisons médicales. En revanche, une médecine psychédélique à deux vitesses (à coût élevé et à moindre coût) qui omet l’expérience hallucinatoire pourrait donner naissance à de nouvelles formes d’iniquités en santé pour les patients n’ayant pas les moyens de connaître une expérience hallucinatoire susceptible de donner un sens à leur vie (Smith 2022).
Pour aborder la recherche, les protocoles et les politiques nécessaires à la médecine psychédélique dans une optique de santé publique, il faut accorder la priorité au traitement efficace des populations structurellement accablées par des taux plus élevés de maladies mentales évitables. Comme le concluent Rush et collègues (2022), « pour que les politiques et les traitements liés aux psychédéliques soient intégrés dans un cadre d’équité en santé publique, il faut reconnaître l’existence de populations prioritaires » [traduction libre].
PRÉOCCUPATIONS DES PEUPLES AUTOCHTONES FACE À L’USAGE DES PSYCHÉDÉLIQUES
Les analyses du paysage contemporain des psychédéliques mentionnent souvent que ces substances ont d’abord été utilisées par les peuples autochtones à des fins cérémoniales et de guérison, dans des contextes de spiritualité communale et sous la direction de guérisseurs traditionnels ou de praticiens qualifiés. Parfois, ces analyses reconnaissent aussi que les connaissances et les pratiques autochtones traditionnelles et actuelles influencent le rapport des non-Autochtones aux psychédéliques aujourd’hui (Kilmer et al. 2024).
Tout aussi nombreuses sont les objections de communautés autochtones, de militants et de théoriciens selon qui la reconnaissance par les colonisateurs des traditions et des droits autochtones est absente ou très inadéquate en pratique. Durant la conférence Psychedelic Science de la MAPS en 2023, un participant autochtone a critiqué le manque de respect envers les plantes sacrées chez les personnes qui utilisent ces plantes à des fins commerciales, et l’absence de personnes autochtones dans la recherche scientifique (Leite 2023). D’autres représentants de communautés autochtones ont indiqué que la marchandisation des psychédéliques se fait sans consulter leurs communautés et sans leur consentement, d’où le ramassage illicite et la surexploitation du peyotl et les coûts exponentiels pour les praticiens autochtones qui se procurent cette plante sacrée pour en faire un usage cérémoniel (Lucid News 2023).
Les praticiens autochtones de la médecine sacrée traditionnelle s’élèvent contre son appropriation et sa marchandisation par des praticiens non autochtones, car cela donne lieu à des éléments cérémoniaux « quasi autochtones » et à de prétendus liens avec la nature (Lekhtman 2023). Ils dénoncent aussi l’appropriation de l’indigénéité par des groupes religieux syncrétiques qui prétendent que le peyotl et d’autres plantes sont un patrimoine « naturel » dont l’accès n’est pas exclusivement réservé aux peuples autochtones (McGivney 2023). L’appropriation des savoirs autochtones traditionnels sur les médicaments psychédéliques pour breveter et commercialiser ces médicaments s’inscrit dans une pratique occidentale plus large : l’exploitation par le biocolonialisme (Tone-Pah-Hote et Redvers 2022).
Certaines communautés autochtones, toutefois, sont ouvertes à une collaboration entre leurs membres et les Occidentaux pour ce qui est de l’usage des psychédéliques. Diverses communautés autochtones d’Amérique du Sud accueillent des visiteurs dans le cadre de retraites et de cérémonies d’ayahuasca. Au Canada, le programme Roots to Thrive jumelle une communauté et des aînés des Premières nations de la Colombie-Britannique avec des chercheurs universitaires et des fonctionnaires de la santé pour instaurer une pratique de soins de santé mentale proposant une thérapie de groupe assistée par les psychédéliques, entre autres éléments de son curriculum (Roots to Thrive s.d.).
Le paysage naissant des psychédéliques a un besoin urgent d’orientations normatives pour apprendre à collaborer respectueusement avec les détenteurs de savoirs autochtones traditionnels; pourtant, on ne s’entend pas officiellement sur les formes de reconnaissance, de pratique et de politiques qui devraient exister. Depuis son adhésion à la Déclaration sur les droits des peuples autochtones (DDPA) des Nations Unies en 2021, le Canada est tenu de respecter et de promouvoir les droits autochtones découlant de leurs traditions spirituelles, ainsi que leurs droits aux terres et aux ressources (Canada. Ministère de la Justice 2021). L’article 11 de la Déclaration établit le droit des peuples autochtones de préserver leur patrimoine culturel et d’exiger réparation pour « les biens culturels, intellectuels, religieux et spirituels qui leur ont été pris sans leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, ou en violation de leurs lois, traditions et coutumes ». L’article 31 consacre par ailleurs leur droit de contrôler et de protéger leur savoir traditionnel et leur pharmacopée.
Le travail le plus approfondi effectué jusqu’à maintenant pour énoncer des orientations normatives dans ce domaine est le fruit d’une équipe multidisciplinaire de théoriciens autochtones qui ont organisé en 2021 un processus consensuel avec un comité mondial de représentants autochtones. Ce processus a produit un article, publié dans Lancet en 2023, qui définit les huit principes moraux de la médecine autochtone traditionnelle et formule des suggestions générales pour leur traduction dans la recherche et les pratiques occidentales sur les psychédéliques (Celidwen et al. 2023). Comme il a été indiqué lors du Forum 2023 de l’ACSP, les communautés autochtones du Canada ne sont peut-être pas encore en mesure de s’impliquer facilement dans la mise en pratique de ces principes, ou peuvent ne pas vouloir y participer substantiellement. Il faudra donc consacrer beaucoup de temps au dialogue et aux discussions au sein des communautés autochtones, et avoir les ressources nécessaires pour le faire. De nombreux peuples autochtones hésitent par ailleurs à discuter des psychédéliques hors de leur usage cérémoniel traditionnel; même s’ils sont ouverts à l’idée d’en approuver les éventuels usages thérapeutiques, il est peu probable qu’ils en sanctionnent les usages commerciaux ou non cliniques (Association canadienne de santé publique 2023b).
Les témoignages de reconnaissance des origines autochtones de l’usage des psychédéliques sont loin de concéder aux peuples autochtones des droits de contrôle robustes sur ces connaissances et ces pratiques traditionnelles; si c’était le cas, cela imposerait des limites normatives considérables à la relation des Occidentaux avec les psychédéliques. Étant donné les engagements du Canada envers la Vérité et la Réconciliation, c’est un terrain hasardeux sur lequel s’avancer pour la santé publique et les autres parties prenantes.
Certaines des difficultés à l’horizon présentent des parallèles avec l’expérience des peuples autochtones face à la légalisation du cannabis au Canada. Selon des revues récentes de la littérature, la consultation insuffisante du gouvernement avec les communautés autochtones a produit un cadre de légalisation qui n’assure pas un juste équilibre entre les préoccupations pour la santé et la sécurité des communautés, d’une part, et l’autodétermination et les possibilités économiques pour les entrepreneurs autochtones d’autre part (Canada. Ministère de la Santé 2022; Centre de collaboration nationale de la santé autochtone 2023). Dans la sphère des psychédéliques, où les préoccupations plus profondes des peuples autochtones concernant la spiritualité, le savoir culturel et la préservation de l’accès à la pharmacopée sont en jeu, la consultation et la collaboration seront essentielles pour que les responsables des politiques comprennent la diversité des points de vue dans et entre les communautés autochtones.
Jusqu’à maintenant, les démarches pour dépasser la simple reconnaissance des droits et des intérêts des peuples autochtones ont produit des initiatives comme l’Indigenous Medicine Conservation Fund, qui permet à des militants autochtones de promouvoir la conservation des plantes, des champignons et des animaux sacrés et renforce les capacités des communautés autochtones de favoriser des interactions de partage des gains entre les chercheurs et les entrepreneurs en quête de savoir et d’accès (Siebert 2022).
L’INTÉRÊT DES ENTREPRISES POUR LES PSYCHÉDÉLIQUES, UN DÉTERMINANT DE LA SANTÉ DES POPULATIONS
L’implication des entreprises dans les usages médicaux et non cliniques des psychédéliques emprunte déjà des voies semblables à celles de leur implication dans les substances psychotropes licites comme l’alcool, le tabac et le cannabis. Le marché des drogues psychédéliques, estimé à 4,9 milliards de dollars américains en 2022, devrait atteindre 11,8 milliards de dollars en 2029 (Brand Essence Research s.d.); des profits énormes sont donc en jeu pour les substances elles-mêmes, pour les fournisseurs de thérapies assistées par les psychédéliques et pour les facilitateurs de leurs usages non médicaux. Bien qu’une grande partie de l’essor actuel ait été alimenté au début par des personnes intéressées à se servir de la recherche médicale comme d’un levier pour ouvrir l’usage des psychédéliques à des possibilités de mieux-être et de croissance spirituelle, ce sont aujourd’hui des sociétés d’investissement en capital-risque et des entreprises de biotechnologie en quête de brevets et de profits qui mènent la barque (Perrone 2024).
L’essor actuel du marché des psychédéliques est tempéré par les aléas du financement de démarrage des entreprises de développement de médicaments et des centres de traitement, par la difficulté de breveter des substances dérivées de sources naturelles et de méthodes pratiquées depuis longtemps et par les perspectives incertaines de tirer profit de médicaments censés être pris au cours d’un nombre limité de séances de traitement plutôt qu’à long terme (Perrone 2024). Au moins une entreprise en démarrage de grande notoriété, une chaîne de cliniques de kétamine, s’est déjà effondrée trois ans après son lancement (Gunther, 2023).
Dans l’espace psychédélique, il n’est pas facile de départager les joueurs et les intérêts commerciaux de ceux des organisations sans but lucratif et des promoteurs de l’usage des psychédéliques. La Psychedelic Association of Canada, par exemple, défend à la base les intérêts des personnes faisant usage de ces substances, mais elle représente aussi les chercheurs et les thérapeutes qui appellent à la déréglementation des usages tant médicaux que non médicaux. Une coalition sans but lucratif, TheraPsil, qui milite en faveur de l’accès du public canadien à la psilocybine médicale licite, accepte les dons d’entreprises commerciales et de biotechnologie qui s’intéressent aux psychédéliques.
Étant donné l’enchevêtrement des intérêts des entreprises et de ceux des organisations de défense sans but lucratif, il faut que les parties prenantes de la santé publique aient conscience des entreprises qui orientent ouvertement ou de manière déguisée le paysage de la recherche et de la réglementation au Canada. À l’instar d’autres industries puissantes, comme celles de l’alcool, du cannabis, du tabac et des produits pharmaceutiques, le lobby des entreprises psychédéliques exerce probablement son influence par des canaux comme l’environnement du savoir (la recherche, la formation), l’environnement politique (au moyen du lobbying) et l’environnement juridique (les lois et les règlements) et en formant les préférences des consommateurs (par la publicité et le marketing) (Madureira Lima et Galea 2018).
La santé publique a tout intérêt à ce qu’il existe des évaluations impartiales de la recherche sur les psychédéliques pour contrer l’influence du financement des entreprises et des participations financières de certains chercheurs dans ce domaine (McNamee et al. 2023). Comme il y a déjà « des preuves substantielles de dangers pour la santé des populations dus à l’influence de l’industrie » [traduction libre], les parties prenantes de la santé publique devront protéger le bien public en préconisant des mesures structurelles et systémiques limitant l’influence de l’industrie, ainsi qu’un accroissement de la recherche psychédéliques financée par les deniers publics (Rosenbaum et Buchman 2023).
APPROCHES RÉGLEMENTAIRES
La communauté de la santé publique a clairement intérêt à ce que les psychédéliques soient légalisés et réglementés. Comme l’ACSP l’a indiqué en 2017 dans son énoncé de position sur la décriminalisation de la consommation personnelle des substances psychotropes, la criminalisation n’est pas un bon outil pour contrôler l’usage des substances illicites (Association canadienne de santé publique 2017). Une démarche de santé publique en matière de légalisation et de réglementation des psychédéliques – inspirée des lois et des règlements fédéraux sur le cannabis – est préférable. Ce principe général est particulièrement évident dans le cas des psychédéliques, car ces substances sont pour la plupart non toxicomanogènes et comportent un niveau de risque relativement faible comparativement aux autres substances psychotropes (Nutt et al. 2010).
Leçons de la légalisation du cannabis
L’expérience de la légalisation du cannabis au Canada recèle d’importantes leçons pour façonner une démarche de santé publique à l’égard des psychédéliques légalisés. Bien que l’on soit loin de connaître toutes les répercussions de la légalisation du cannabis dans les provinces et les territoires, d’importantes leçons de santé publique sont déjà manifestes. Comme le conclut une évaluation des effets du cannabis sur la santé cinq ans après sa légalisation, « l’atteinte des objectifs politiques est mitigée, les avantages en matière de justice sociale paraissant plus tangibles que ceux en matière de santé » (Fischer et al. 2023).
L’un des grands messages à retenir pour la réglementation future des psychédéliques est qu’il faut aborder les modifications réglementaires en s’engageant dès le départ à réunir des données complètes. « Le manque de preuves et l’absence de progrès dans la recherche sur le cannabis dans de nombreux domaines suscitent frustration et déception », indique-t-on dans le résumé par le gouvernement fédéral des réactions des parties prenantes à l’examen législatif de la Loi sur le cannabis (Canada 2023). Les principaux sujets de préoccupation de la santé publique pour lesquels il n’y a pas de données sont les effets de la légalisation du cannabis chez les jeunes, la connaissance, dans la population, des risques du cannabis pour la santé, et les parts de marché relatives de l’offre de cannabis réglementée et illicite (Berg et Jesseman 2023).
Une deuxième grande leçon est que l’approche de légalisation du cannabis relativement stricte adoptée au Québec, qui évite d’en promouvoir le commerce comme dans les autres administrations canadiennes, mais se concentre sur la limitation de la consommation des jeunes, pourrait avoir de meilleurs effets sur le plan de la santé publique. Au lieu de détaillants privés, le Québec a imposé un monopole d’État qui verse la majorité de ses bénéfices dans un fonds de prévention et de recherche en matière de cannabis; la province a aussi fixé à 21 ans l’âge légal pour acheter et consommer du cannabis, contre 18 ou 19 ans ailleurs au Canada; et elle interdit la vente de cannabis sous forme de bonbons, de chocolats ou de desserts (Malsch et al. 2023). Cette restriction des produits comestibles susceptibles de plaire aux enfants se traduit, depuis la légalisation, par un moindre taux d’intoxications attribuables au cannabis chez les enfants québécois que dans le reste du pays (Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances 2023).
Propositions d’approches réglementaires
Du point de vue de la santé publique, les contours d’une approche de réglementation rationnelle des psychédéliques sont relativement clairs. Comme il ressort des discussions du Forum 2023 de l’ACSP sur une démarche de santé publique à l’égard des psychédéliques, une telle démarche :
- reconnaîtrait un spectre de consommation, de l’usage bénéfique ou non abusif occasionnel à l’usage abusif chronique, et tiendrait compte des niveaux de consommation dans la population et des avantages des substances psychédéliques par rapport à leurs risques afin d’évaluer les risques et les avantages au niveau de la population;
- garantirait une offre licite réglementée pour l’usage bénéfique non abusif de ces substances;
- atténuerait la demande de substances psychédéliques en imposant des restrictions à leur commercialisation et à leur promotion et en informant la population de leurs risques et de leurs avantages pour la santé;
- engloberait divers moyens de contrôle adaptés aux usages médicaux/thérapeutiques, aux contextes sacrés et sociaux et à l’usage individuel;
- évaluerait des modes d’accès supervisé aux psychédéliques utilisés à des fins médicales ou traditionnelles, ainsi que des mesures de réduction des méfaits pour l’accès individuel non supervisé;
- envisagerait les mesures nécessaires pour aborder les iniquités en santé afin d’améliorer la santé et le bien-être global de la population;
- garantirait des études, une évaluation de la santé des populations et une surveillance robustes (Association canadienne de santé publique 2023b).
Comme l’ont fait remarquer Rush et collègues (2022), la science médicale et sanitaire sur les psychédéliques n’est pas encore suffisamment développée pour déterminer même le premier élément d’une telle démarche : « Dans l’ensemble, chaque partie prenante évalue très différemment les avantages par rapport aux risques, tant au niveau clinique qu’à l’échelle de la population; il ne fait aucun doute que pour faire avancer le domaine, il faut absolument établir un consensus étayé par les données probantes sur cette équation » [traduction libre].
Néanmoins, des promoteurs dans l’espace psychédélique mettent déjà de l’avant des projets de règlements en prévision d’un éventuel régime juridique permettant d’autres modes de consommation que les usages médicaux et les usages spirituels reconnus. Au Canada, un groupe spécialisé de promoteurs a présenté une proposition détaillée visant les organismes d’accréditation, d’enseignement et de réglementation nécessaires à l’appui de l’usage facilité et thérapeutique des psychédéliques (Rochester et al. 2022). Au Royaume-Uni, un groupe de promoteurs a proposé un régime de réglementation de l’usage non médical des psychédéliques classiques impliquant « un modèle souple à quatre niveaux pour gérer à la fois les diverses préparations de ces psychédéliques (synthétiques et d’origine végétale) et leurs divers usages » (Transform Drug Policy Foundation 2023 [traduction libre]).
À terme, la réglementation des psychédéliques devrait être alignée sur une démarche de santé publique rationnelle à l’égard de l’usage de substances en général (Association canadienne de santé publique 2024). Comme le recommandait le Groupe d’experts sur la consommation de substances de Santé Canada en 2021, cette approche réglementaire générale consisterait en « un cadre unique de santé publique composé de règlements précis couvrant l’ensemble des substances, y compris les drogues actuellement illicites ainsi que l’alcool, le tabac et le cannabis » (Canada 2021). Cette recommandation est reprise dans le rapport de 2024 du groupe de travail sur la COVID-19 de la Société royale du Canada, qui constate que la réforme des lois antidrogue canadiennes doit aller au-delà de la décriminalisation et tendre vers un cadre législatif global visant à réduire les méfaits liés aux substances psychotropes en harmonisant la réglementation de ces substances (Gruben et al. 2024).
MESURES DE SANTÉ PUBLIQUE
En juin 2024, la Toronto Ketamine Clinic a parrainé ce que l’on annonçait comme étant « la première exposition psychothérapeutique au monde », une manifestation de deux jours qui s’adressait « aux non-initiés, aux consommateurs curieux qui ne reçoivent pas assez d’informations » des fournisseurs de soins de santé classiques (Vega 2024 [traduction libre]). L’intérêt populaire pour les psychédéliques comme outil de mieux-être est confirmé par la présence à cette exposition d’une trentaine de conférenciers, d’une cinquantaine d’exposants et de 2 000 membres du public qui ont eu accès à une plateforme en ligne pour réserver des séances d’information sur place avec des facilitateurs de retraites psychédéliques, des propriétaires de cliniques, des thérapeutes, des conseillers et des promoteurs (OPEN:MINDS EXPO s.d.).
Ce niveau d’intérêt est signe d’une importante lacune que les fournisseurs commerciaux cherchent à combler. Il est temps que la communauté de la santé publique fasse ce que d’autres professions de la santé font déjà (Nutt et al. 2024) : proposer au public une autre solution que les messages commerciaux, soit des informations de santé publique factuelles axées sur la réduction des méfaits.
Bien qu’il importe que les professionnels de la santé publique connaissent et fassent connaître l’usage possible des thérapies assistées par les psychédéliques à des fins médicales, encadrées par une réglementation couvrant toutes les substances psychotropes, l’objectif le plus pressant et crucial pour la santé publique est de se pencher sur les usages non cliniques des psychédéliques. Le développement rapide de ces usages non médicaux est l’occasion pour la communauté de la santé publique de façonner la recherche, les politiques et les pratiques pour améliorer les résultats de santé des populations. Comme il est indiqué dans la récente déclaration du groupe de travail Hopkins-Oxford, « Les usages non cliniques des psychédéliques représentent déjà la très grande majorité des usages des psychédéliques et le resteront probablement (…). Il est donc prioritaire de mieux comprendre comment réduire les méfaits dans ces contextes. » (Jacobs et al. 2024 [traduction libre]).
Pour acquérir une compréhension factuelle des besoins de santé des populations en ce qui concerne les usages non cliniques des psychédéliques, les chercheurs en santé publique doivent absolument étudier sous tous ses aspects l’usage actuel de ces substances :
- les populations consommatrices, y compris les sous-populations ethniques, culturelles et autres;
- les types de psychédéliques utilisés;
- les contextes et les protocoles de leur usage;
- les méfaits et les avantages avant et après usage;
- les risques d’intoxication associés aux psychédéliques de synthèse venant de l’approvisionnement non réglementé en drogues toxiques.
Les chercheurs doivent aussi établir un dialogue avec les communautés de pratique psychédélique établies de longue date – les peuples autochtones et les groupes religieux, ainsi que les réseaux clandestins – pour savoir quels sont les protocoles qu’elles utilisent pour tirer des bienfaits de ces substances sans courir de risque, et quels sont les effets sur la santé dont elles peuvent rendre compte.
Pour améliorer la recherche, il faudra que la santé publique exerce une surveillance pancanadienne continue et détaillée de l’usage des psychédéliques dans le cadre de l’Enquête canadienne sur l’alcool et les drogues. Comme le suggèrent Rush et collègues (2022), il est important de surveiller les visites aux urgences associées aux psychédéliques et de réunir les données à ce sujet venant des médecins de premier recours. Il faudra aussi renforcer les capacités d’évaluation des politiques pour comprendre les répercussions de différents modèles de réglementation dans les populations du Canada.
L’élaboration d’approches de réduction des méfaits pourrait inclure des approches déjà courantes dans le domaine de l’usage de substances, dont les directives de consommation à faible risque et le dépistage des drogues (dans la communauté et lors des festivals). Des programmes de certification pourraient être élaborés pour former les gens à superviser leurs pairs pendant leurs expériences psychédéliques.
En plus de réunir des études sur les pratiques et les répercussions et d’en traduire les constats en pratiques de réduction des méfaits, les organismes de santé publique doivent déployer les initiatives d’information du public, de sensibilisation et de marketing social nécessaires pour contrer l’engouement pour les psychédéliques dans les milieux culturels et du mieux-être. Étant donné les résultats de recherche récents sur les expériences négatives liées aux usages non cliniques des psychédéliques (Simonsson et al. 2023) et le fait qu’on en sait encore très peu sur les effets nuisibles de l’usage de ces substances, lesquels peuvent durer des mois et même des années (Evans et al. 2023), la difficulté pour les agents de communication de la santé publique est d’exprimer les risques et les pratiques de réduction des méfaits en des termes qui reflètent les faibles risques de ces substances en général et leurs avantages éventuels. Les organismes de santé publique doivent aussi élaborer des informations et des directives de réduction des méfaits culturellement appropriées à l’intention des populations intéressées par l’usage des psychédéliques à des fins de santé et de bien-être mental, tant épisodiquement (avec des thérapeutes et lors de retraites) que sur une base continue par microdosage.
Il faut absolument qu’en plus d’informer le public, on informe les professionnels de la santé publique. Selon le rapport d’un sondage mené en 2023 auprès de plus de 1 000 professionnels de la santé publique du Canada sur leur connaissance générale de diverses substances psychotropes, les répondants ont plus souvent déclaré ne rien savoir des psychédéliques, ou en savoir très peu à leur sujet, que pour toute autre catégorie de substances. Les psychédéliques étaient l’une des substances au sujet desquelles ils voulaient avoir plus de formation ou d’informations, tant sur leurs usages non cliniques que sur leurs éventuels usages thérapeutiques (Association canadienne de santé publique 2023a). C’est de toute évidence sur ce point que les parties prenantes de la santé publique devront commencer à faire porter leurs efforts.
QUESTIONS CLÉS
Les questions suivantes visent à orienter l’élaboration d’une démarche de santé publique holistique et inclusive à l’égard des psychédéliques, pour qu’il soit tenu compte à la fois de leurs avantages éventuels et de leurs risques.
Recherche et fondements scientifiques
Comment les parties prenantes de la santé publique peuvent-elles faire en sorte que la recherche clinique sur les psychédéliques soit rigoureuse, impartiale et complète, étant donné le développement rapide de l’intérêt et des investissements commerciaux que ces substances suscitent?
Cadre réglementaire
À quoi ressemblerait un cadre de réglementation des psychédéliques axé sur la santé publique? Comment les règlements peuvent-ils concilier l’innocuité des substances, leur accessibilité et la diversité des besoins de différents groupes d’utilisateurs?
Équité et inclusion
Comment la recherche et les protocoles de traitement liés aux psychédéliques pourraient-ils être plus inclusifs et culturellement appropriés afin que les populations marginalisées et structurellement défavorisées en bénéficient équitablement? Quelles mesures faut-il prendre pour inclure ces groupes dans la recherche clinique et les processus décisionnels?
Réduction des méfaits et information du public
Quelles sont les stratégies de réduction des méfaits nécessaires pour aborder la croissance des usages non cliniques des psychédéliques? Comment les professionnels de la santé publique peuvent-ils élaborer et diffuser du matériel pédagogique factuel pour éclairer les pratiques d’usage à moindre risque?
Droits et savoirs autochtones
Comment la communauté de la santé publique devrait-elle aborder les savoirs et les pratiques autochtones liés aux psychédéliques? Quels sont les cadres et les politiques éthiques nécessaires pour respecter les droits des peuples autochtones et empêcher l’appropriation illicite et la commercialisation de leurs savoirs traditionnels?
Influence des entreprises
Que peut faire la communauté de la santé publique pour que l’influence et les intérêts commerciaux dans le domaine des psychédéliques n’éclipsent pas les intérêts de la santé publique?
Suivi et évaluation à long terme
De quels systèmes la santé publique a-t-elle besoin pour surveiller les pratiques émergentes, les tendances et les résultats de santé en lien avec les usages cliniques et non cliniques des psychédéliques?
CONCLUSION
L’évolution rapide du domaine des psychédéliques présente à la fois des possibilités et des limites pour la communauté de la santé publique. Ces substances pourraient avoir des avantages thérapeutiques, mais il faut absolument étudier les problèmes qu’elles posent sur le plan éthique, culturel et réglementaire. Une démarche équilibrée et inclusive qui accorde la priorité à la santé publique, à l’équité et au respect des savoirs autochtones peut faciliter l’exploration de ce paysage complexe et faire en sorte que les promesses des psychédéliques se concrétisent sans causer de torts.
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