Intégrer l’équité en matière de santé dans la planification des activités dans la région de Niagara
PROJET
En 2018, les Services de santé publique et d’urgence de la région de Niagara, le Niagara Region Public Health & Emergency Services Department (NRPH&ES), ont élaboré un Plan stratégique sur l’équité en matière de santé (en anglais seulement) afin d’orienter les activités et les programmes du ministère de la Santé. Cependant, puisque l’équité en santé est tributaire de nombreux aspects de la société, une partie du plan stratégique consistait également à mobiliser d’autres services autour du projet d’équité en santé.
C’est en 2019 que s’est présentée l’occasion d’influencer le processus de planification global du gouvernement régional. Le Projet de planification fondée sur l’équité en santé (PFES) visait à faire en sorte que les répercussions sur la santé des projets non liés au secteur de la santé entrepris par le gouvernement régional soient pleinement prises en compte dans les phases d’évaluation et de conception.
CONTEXTE
Située dans le sud de l’Ontario, entre les lacs Ontario et Érié, de l’autre côté de la rivière Niagara, en face de l’État de New York, la région de Niagara compte environ 485 000 habitants. Reconnue pour ses exploitations fruitières et ses vignobles, la région de Niagara comprend également plusieurs centres urbains, dont Niagara Falls, St. Catharines et Welland. La région est régie par deux paliers de gouvernement : la municipalité régionale de Niagara et 12 municipalités locales. La santé publique est un service du gouvernement régional.
Le NRPH&ES se consacre depuis longtemps au transport actif et à l’hygiène de l’environnement. En 2010, il disposait d’une équipe interdisciplinaire qui travaillait en collaboration pour influencer les processus d’aménagement du territoire et de planification des transports dans la région dans le but d’améliorer la santé publique.
PROCESSUS
Le Projet PFES a été adopté en novembre 2020 lorsque le Conseil régional a modifié le Règlement sur la planification budgétaire (en anglais seulement) afin d’y inclure un article sur l’équité en santé pour faire en sorte que les déterminants sociaux de la santé soient pris en compte dans les décisions relatives aux programmes et aux budgets.
L’ajout de cet article visait à permettre au Conseil régional de réaliser sa priorité de devenir une « collectivité saine et dynamique ». En incluant les déterminants sociaux de la santé (DSS) comme objectif dans le règlement, les évaluations d’impact sur la santé sont devenues des considérations obligatoires dans les décisions budgétaires.
« Le projet a reçu l’appui des conseillers régionaux et des dirigeants, a mentionné Kate Harold, coordonnatrice des initiatives stratégiques du NRPH&ES. De nombreux facteurs contextuels ont contribué à rendre ce projet acceptable. Par exemple, en raison d’un nombre élevé de suicides sur l’un de nos ponts à Niagara ces dernières années, une barrière a été érigée pour prévenir d’autres décès. Cela a contribué à faire comprendre aux gens de la région à quel point des enjeux non liés au système de santé, comme l’infrastructure de transport, peuvent avoir un impact sur la santé publique. Ces événements tragiques ont contribué à rendre les DSS plus tangibles pour nos conseillers et collègues d’autres services. »
Le projet vise à améliorer la santé et à réduire les inégalités en santé en veillant à ce que les DSS soient pris en compte lors de l’évaluation des projets et des programmes proposés par la municipalité régionale.
En vertu du Projet PFES, qui est en fait une adaptation par le NRPH&ES de la Boîte à outils d’évaluation d’impact sur la santé dans les villes (en anglais seulement) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), tous les projets qui n’ont rien à voir avec la santé sont soumis à une évaluation d’impact sur la santé (EIS). Le projet, qui a été mis à l’essai pour la première fois en 2021, est actuellement coordonné par deux employés du NRPH&ES – une coordonnatrice de l’EIS et Kate Harold, la coordonnatrice des initiatives stratégiques.
Le processus d’EIS comporte cinq étapes : examen préalable, détermination de la portée, évaluation, recommandations et surveillance.
Dans un premier temps, une analyse qualitative est effectuée par le gestionnaire du projet à l’étude, les deux membres du personnel de santé publique qui coordonnent le processus et d’autres membres du personnel de santé publique ayant une expertise pertinente à l’égard du projet. L’impact des actions menées dans le cadre d’un projet est évalué sur une échelle de -3 à +3, selon le potentiel d’amplification ou d’atténuation des effets négatifs sur la santé des populations prioritaires, pour chacun des DSS.
Parmi les DSS qui doivent être pris en compte figurent les déterminants environnementaux (c’est-à-dire l’air, l’eau, la topographie et le patrimoine naturel), le transport, le logement, les conditions de travail, la sécurité des quartiers, l’éducation, l’accès aux services publics, l’environnement bâti, les soutiens sociaux, la famille, la sécurité alimentaire et le développement économique.
Les populations prioritaires identifiées par le ministère de la Santé de l’Ontario dans sa boîte à outils d’EIES sont celles qui peuvent être touchées de façon disproportionnée. Les scores de l’examen préalable sont additionnés pour déterminer si une EIS est nécessaire et, le cas échéant, s’il doit s’agir d’une EIS rapide, intermédiaire ou complète.
Une EIS rapide est un exercice théorique qui utilise des données secondaires déjà existantes. Une EIS intermédiaire repose sur la collecte de données primaires et la mobilisation des intervenants communautaires, ainsi que sur des données secondaires. Une EIS complète nécessite une vaste collecte de données primaires qualitatives et quantitatives, ainsi que des données secondaires, une participation communautaire structurée des intervenants et un financement ponctuel de projet pour une approche plus intensive et approfondie.
RÉSULTATS OBTENUS
En 2021, 11 projets ont fait l’objet d’un examen préalable en vue du budget de 2022. On a jugé qu’une EIS aurait peu de valeur pour quatre projets pour lesquels les impacts potentiels sur la santé étaient peu nombreux et limités. On a recommandé des EIS pour sept projets. Deux des EIS pilotes ont été réalisées en mai 2022. Les projets examinés étaient liés aux systèmes de transport, à la gestion des déchets, au traitement de l’eau et au logement abordable.
En prenant pour exemple un projet de reconstruction de route à St. Catharines, l’EIS a généré un certain nombre de recommandations qui ont complété l’évaluation environnementale. Motivée en partie par la présence de trois écoles et de quatre foyers pour adultes dans la zone d’étude, l’EIS a recommandé des ajustements pour encourager les modes de transport actifs, améliorer la sécurité des piétons et des cyclistes et accroître l’accès aux services.
L’EIS a notamment recommandé ce qui suit :
- des installations de transport actif entièrement séparées;
- un réseau de trottoirs continu dans toute la zone;
- une signalisation, un éclairage et des lignes de circulation dans toute la zone étudiée;
- une éducation sur l’utilisation sécuritaire des voies de virage à gauche dans les deux sens et des aménagements cyclables;
- la promotion des correspondances de transport en commun.
« Nous espérons que la PFES et la boîte à outils d’EIS amélioreront la santé, réduiront les inégalités en matière de santé et, dans l’ensemble, diminueront notre impact négatif sur la qualité de l’air, la qualité de l’eau et le climat, a ajouté Kate. En fait, nous espérons que cela peut améliorer notre impact sur l’environnement. »
Le NRPH&ES considère que la PFES est une réussite jusqu’à maintenant, car elle bénéficie d’un soutien continu au sein du gouvernement régional :
le Conseil régional a approuvé un financement dans le budget de 2022 pour rendre permanent le poste de coordonnateur de l’EIS;
le groupe de travail interministériel du gouvernement régional a été d’un grand soutien;
des discussions sont en cours sur la meilleure façon d’aider les 12 municipalités locales à intégrer l’équité en santé dans leurs activités.
LEÇONS RETENUES
Pour qu’une politique innovante soit adoptée à l’échelon municipal, il faut qu’un champion très réputé fasse valoir ses arguments.
« Le médecin hygiéniste intérimaire de la région de Niagara, Dr Mustafa Hirji, est un ardent défenseur de l’équité en santé et de l’application des DSS au processus décisionnel, a mentionné Kate. Au fil des ans, il s’est efforcé d’éduquer les conseillers régionaux et les dirigeants municipaux au sujet des DSS et de la nécessité de s’attaquer aux inégalités en matière de santé. Il a dirigé la création du Plan stratégique sur l’équité en matière de santé au sein du NRPH&ES, et lorsque le Conseil régional a cherché un moyen de concrétiser sa vision d’une “communauté saine et dynamique” au début de son mandat, il a saisi l’occasion de lui faire comprendre que les évaluations d’impact sur la santé étaient un moyen d’atteindre son objectif. »
Il est plus facile de faire adopter une politique innovante lorsque d’autres administrations font de même. Le fait que le Québec et Vancouver utilisent les EIS dans le cadre de leurs processus d’aménagement du territoire et de planification des transports a servi la région de Niagara. Grâce à un financement permanent et à un règlement qui exige leur utilisation, le NRPH&ES a engagé le gouvernement régional sur la trajectoire qui le conduira à l’amélioration de la santé à long terme.
Préparé par Kim Perrotta, M.Sc.S., directrice administrative, CHASE
Date de modification : 20 juillet 2022