Le marathon de l’équité en santé et de la santé publique : mon cheminement d’étudiante au baccalauréat
Sarah Ngunangwa, Dianne Oickle
J’ai toujours eu une passion pour les activités de sensibilisation à la justice sociale. En grandissant en Tanzanie, j’ai été témoin de déséquilibres par rapport à l’équité. J’ai fait partie de certains clubs mis sur pied par les Nations Unies pour les jeunes qui cherchent à mieux sensibiliser et à mieux appuyer les objectifs et les projets de l’organisme international sur le terrain. Malgré les progrès réalisés en matière de prestation des services de soins de santé en Tanzanie, il reste encore beaucoup à faire pour améliorer les conditions de vie de la population en général. Dans bien des pays du monde, on déploie bien des efforts pour l’équité en santé et la justice sociale. Agir comme champion de l’équité ou du changement exige d’avoir la détermination de passer à l’action et de mettre au point un plan avec un échéancier réaliste.
En tant qu’étudiante au baccalauréat spécialisé en nutrition humaine à l’Université St. Francis Xavier, mes cours m’ont fourni une fenêtre par laquelle j’ai pu apprendre à mettre à contribution ma passion pour la justice sociale, particulièrement dans le contexte du programme de formation en services communautaires. En écoutant les exposés, je réfléchissais à la manière dont il serait possible d’appliquer un concept donné dans la collectivité. En discutant ensuite avec les professeurs et les autres étudiants, j’ai pu réévaluer mes idées. J’ai toujours pensé que je pourrais poser des gestes et en constater tout de suite les résultats. Cependant, j’ai très vite compris que mobiliser les gens autour d’une action pour l’équité en santé et la justice sociale ne se fait pas du jour au lendemain. Il faut, d’une part, les outils nécessaires pour mettre nos connaissances en pratique et, d’autre part, les champions aptes à maintenir l’engagement bien vivant chez les professionnels de la santé publique.
Mon travail de spécialisation s’intitule Identifying barriers and enablers to addressing health equity in public health practice (déterminer ce qui empêche et ce qui permet d’agir pour l’équité en santé dans la pratique de santé publique). À part moi, l’équipe de projet se composait de trois co-superviseures, soit Doris Gillis, Ph. D. (département de nutrition humaine de l’Université St. FX), Dianne Oickle (CCNDS ) et Christine Johnson (Régie de la santé de la Nouvelle-Écosse). J’ai organisé trois groupes de réflexion auxquels ont participé au total 15 praticiens de la santé publique de trois régions desservies par la Régie de la santé de la Nouvelle-Écosse. Nous avons utilisé la trousse d’outils Make Food Matter (faites que compte l’alimentation) comme modèle de mobilisation des connaissances pour examiner, chez les praticiens de la santé publique, ce qui permet et ce qui empêche d’agir pour l’équité en santé et d’utiliser les outils de mobilisation des connaissances pour améliorer l’équité en santé.
Nos constatations se sont révélées très intéressantes! Le manque de compréhension de ce que l’on entend par équité en santé, le manque de ressources humaines et financières et le travail en vase clos font partie des obstacles cernés. Les liens étroits avec la collectivité, l’accès aux outils de mobilisation des connaissances et la présence de champions de l’équité en santé font partie des éléments catalyseurs de l’équité en santé dans le domaine de la santé publique. Par rapport à l’utilisation des outils de mobilisation des connaissances comme telle, les éléments catalyseurs étaient à peu près les mêmes, c’est-à-dire la présence de champions de l’équité et l’accès aux bons outils. Les obstacles étaient plutôt de nature pragmatique, c’est-à-dire le trop grand nombre d’outils et l’impression que les outils ne s’appliquent pas vraiment au travail à accomplir. La perception quant au manque de connaissances sur la manière d’appliquer les outils fait en sorte que les gens ne les utilisent pas du tout malgré la facilité d’accès.
Mon expérience de recherche m’a amenée à me rendre compte que je devais concevoir des stratégies réalistes et avoir des attentes tout aussi réalistes, tant sur le plan professionnel que personnel. Les iniquités découlent habituellement de problèmes sociaux qui remontent loin dans le temps. Aussi, y mettre fin prendra sans doute beaucoup de temps. Cela ne veut pas dire que ce n’est pas possible! Les solutions résident souvent chez les personnes qui sont aux prises avec les iniquités. Nous devrions les inviter à prendre part au processus et les laisser inspirer notre démarche. J’ai eu un aperçu des défis à relever sur le chemin vers l’équité en santé – une route un peu cahoteuse, mais on peut y trouver des éléments catalyseurs. D’une certaine façon, j’ai perdu ma vision très rose du travail en santé publique – il faut beaucoup de temps avant de constater des résultats tangibles et, comme champion de l’équité en santé publique, on s’attend à ce que vous portiez bien des chapeaux. Cela dit, je sais qu’il y a de l’espoir dans la démarche pour l’équité, parce que j’ai rencontré l’armée de praticiens prêts et déterminés à passer à l’action. Nous, y compris moi-même, en avons fini avec les préparatifs — l’heure n’est plus aux pourparlers, mais à l’action.
Au cours de mes travaux de recherche de spécialisation, j’ai en outre commencé à saisir ce que l’on entend par travail « invisible ». J’ai participé à un certain nombre d’activités en matière d’alimentation et de plaidoyer (la campagne Make Food Matter dans les médias sociaux, l’Antigonish County Adult Learning Association (ACALA) et le programme pour aînés Food for Thought) qui m’ont permis de comprendre ce qui m’attend. Ce sont dans les moments où j’ai eu à interagir avec les professionnels de la santé publique que j’ai trouvé mon inspiration et ma motivation. C’était comme aller en coulisse et découvrir que le travail de la santé publique n’a pas de fin, qu’il s’agit d’un marathon dont le trajet peut changer à tout moment. Vous prenez des décisions et vous devez vous montrer assez souple pour les changer à mesure que de nouvelles informations font surface. Pour œuvrer à l’équité en santé, il faut une énergie de tous les instants et une armée diversifiée prête à travailler sans relâche. Le système de santé publique dispose d’une telle armée – des équipes pluridisciplinaires formées de professionnels dévoués.
Par ailleurs, ma démarche de recherche m’a fait me poser bien des questions – j’ai appris l’importance d’aborder les enjeux sociaux sous différents angles, de garder des plans de secours dans mon sac et de travailler comme un élément d’un ensemble. Il faut s’attendre à des écueils, mais de solides alliances avec nos collègues et nos collectivités peuvent créer un effet domino sur les facteurs qui influencent l’équité. L’équité en santé exige un effort de collaboration – ce n’est pas l’apanage d’une seule personne ou d’une seule institution (p. ex., le gouvernement). Je suis enthousiaste à l’idée de contribuer au processus.
Quelle est votre perception au sujet des barrières et des facteurs catalyseurs concernant l'utilisation des outils de mobilisation des connaissances et l'action pour l'équité en santé publique? Nous voulons connaître votre point de vue! Transmettez-nous vos idées et vos commentaires, ou lancez une conversation dans Cliquez pour l'équité en santé.
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