Les locaux de consommation supervisés répondent à un besoin collectif
Les substances psychotropes illicites couvrent une gamme de produits (du cannabis aux opioïdes et aux produits chimiques de synthèse) dont l’usage va de l’abstinence à la toxicomanie. Leur utilisation représente un problème juridique, social et sanitaire complexe et important qui exige une panoplie de stratégies d’intervention adaptées aux populations cibles. La prévention est l’idéal auquel nous souscrivons, mais à l’autre extrémité, des personnes utilisent des drogues par injection sur une longue durée et ont des pratiques d’injection non sécuritaires. Les locaux de consommation supervisés sont un moyen éprouvé de répondre aux préoccupations de santé et de sécurité que pose l’utilisation de drogues par injection.
Il existe actuellement 90 locaux de consommation supervisés dans le monde. Chacun a la réputation enviable et attestée de répondre aux besoins particuliers des gens qu’il sert et d’améliorer le tissu social de la communauté où il se trouve. Le local de consommation supervisé de Vancouver, Insite, bénéficie d’une exemption à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances octroyée par la ministre de la Santé. Des preuves convaincantes à l’appui des avantages d’Insite ont été compilées par Santé Canada en 2008 dans le rapport d’un comité consultatif d’experts. Les résultats montrent que depuis l’ouverture du local, la criminalité, les déchets liés à la consommation de drogue et l’injection en public dans le secteur ont diminué. Insite répond aussi aux besoins de santé d’une clientèle marginalisée et réfractaire aux services en lui offrant des soins de santé réguliers, en la sensibilisant aux pratiques d’injection à moindre risque et, quand l’occasion se présente, en aiguillant les clients vers Onsite, le programme de traitement associé au local. Selon une analyse économique, chaque dollar dépensé pour Insite économise entre 0,97 $ et 2,90 $ en dépenses publiques pour d’autres services.
Il faut signaler que les locaux de consommation supervisés ne fournissent pas la drogue que les clients s’injectent; ils ne fournissent pas non plus sciemment de services de consommation aux personnes qui consomment de la drogue pour la première fois.
Les tentatives pour limiter les activités d’Insite ont semblé avoir échoué lorsque, le 30 septembre 2011, la Cour suprême du Canada a statué que l’hésitation du gouvernement fédéral à renouveler l’exemption accordée à Insite était inconstitutionnelle. La Cour a conclu que la fermeture du local empêcherait des Canadiens vulnérables de recevoir des services de santé et que ce serait là une forme de discrimination fondée sur le handicap. Elle a aussi présenté à la ministre cinq critères pour évaluer les demandes de créer d’autres installations semblables. Plusieurs villes canadiennes ont entamé le processus de demande d’exemption en vue d’établir un local de consommation supervisé, dont Montréal, où des fonctionnaires ont annoncé dernièrement qu’ils soumettront une demande pour ouvrir quatre installations dans cette ville.
Le projet de loi C-2 (Loi sur le respect des collectivités) déposé récemment fixe les critères selon lesquels le ministère a l’obligation d’approuver de telles demandes et présente 27 exigences d’information à respecter avant que la ministre de la Santé ne puisse autoriser l’établissement d’un local de consommation supervisé. Ces exigences contrastent vivement avec les cinq critères énoncés par la Cour suprême.
Selon la perspective de l’ACSP, s’il est adopté sous sa forme actuelle, le projet de loi C-2 :
- entravera la création de locaux de consommation supervisés dans les communautés où ils sont nécessaires,
- empêchera le seul local de consommation supervisé au Canada de continuer à fonctionner,
- est contraire à l’esprit de la décision unanime de la Cour suprême du Canada.
La position de l’ACSP est donc qu’il faut retirer ou amender le projet de loi C-2 pour refléter l’esprit de la décision de la Cour suprême. Le projet de loi, déjà approuvé en deuxième lecture par la Chambre des communes, a été renvoyé au Comité permanent de la sécurité publique et nationale pour examen. L’ACSP a fait appel à la greffière et au président de ce comité et aux membres de l’opposition pour être invitée à comparaître devant le comité afin d’exprimer son opposition. L’Association élabore un mémoire à présenter au comité et travaille avec des organismes de même opinion pour élargir ses appuis.
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